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car on était au milieu du printems.

Il faut bien peu de chose pour troubler la félicité d’un homme, dit la fée, en s’éloignant du fermier. Elle continua ensuite son chemin vers la ville, et vit en y entrant une figure assez extraordinaire. C’était un grand homme sec, vêtu d’un habit dont la couleur avait été noire autrefois ; mais qui alors était gris. Une grande perruque à moitié rongée par le tems, lui couvrait la tête ; sa chemise sale était ornée de manchettes à moitié déchirées ; ses bas étaient troués en plusieurs endroits ; en un mot, cet homme présentait une image vive de l’indigence. Il entra dans un chétif cabaret, où il se fit apporter un ordinaire de cinq sous, qu’il dévora plutôt qu’il ne le mangea. Bienfaisante qui s’était mise à table vis-à-vis de lui, l’invita à joindre leur dîner, et cela, dans un tems où celui de son voisin tirait à sa fin ; ainsi, la proposition ne pouvait pas manquer d’être bien reçue. Une poularde qu’elle avait fait apporter,