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son ame, il les étouffa. Peu accoutumé à des sentimens capables de nourrir une passion toujours combattue, ces soupçons ne firent sur lui qu’une impression faible, qui disparut bientôt. Il s’obstina à ne point vouloir aller à Paris : y être sans voir Laure, c’était s’exposer à faire connaître ses sentimens par rapport à elle, ou se faire soupçonner d’un dépit causé par un vil intérêt : revoir les charmes qui l’avaient séduit, était un danger auquel il craignait d’exposer sa vertu. Le marquis revint donc seul à Paris, bien convaincu qu’Alindor n’avait eu, ou n’avait conservé pour Laure, que les sentimens d’un père pour sa fille : il s’en expliqua ainsi avec son épouse. Il n’eut garde de déclarer ses idées à cette fille, et le refus d’Alindor fut attribué à des affaires indispensables qui demandaient sa présence. Laure n’y fut point trompée, et, sans pouvoir être rassurée partout ce que lui dirent ses amis, elle conclut comme avait fait le marquis. Dorval vit alors son