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imposé à son épouse, il la pria, de le laisser reposer quelques heures, en lui disant que l’épuisement seul l’avait mis dans cette situation. Que ne souffrit-il pas dans ce court espace ? Les violences qu’il se fit pour plier son cœur à la générosité de ses sentimens, lui causèrent une fièvre violente. Armire n’en fut pas moins alarmée que si elle eût ignoré la cause de son mal. Cent fois elle fut sur le point de lui dire qu’elle avait des raisons pour désapprouver le mariage de Laure : la pitié que lui inspirait son époux lui donnait cette faiblesse ; cette même pitié lui dicta une conduite plus ferme : elle savait qu’on ne peut détruire les passions qu’en coupant dans le vif ; elle eut donc la force de lui causer une douleur passagère, pour lui procurer une guérison radicale ; car il est rare que l’amour se soutienne quand on parvient à lui ôter tout espoir. Elle voulait pourtant attendre la convalescence d’Alindor, pour porter le coup mortel au sentiment funeste qui troublait son repos :