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victime ; elle crut ne pouvoir offrir à Laure un remède plus efficace à son mal, que le récit de ce qui lui était arrivé. Cet exemple frappa Laure d’une vive terreur : elle eut recours au remède qui avait sauvé la marquise ; il produisit le même effet, et elle se détermina au mariage qui lui était proposé. Ce ne fut pas sans amertume ; son cœur déchiré éprouva des tourmens qui ne peuvent être conçus que par ceux qui les ont éprouvés, et qui suffiraient pour préserver le cœur des passions, si on pouvait prévoir les cruelles peines auxquelles elles exposent.

Je ne vous ai rien dit de ce qui s’était passé chez Armire, depuis le jour où Laure en était sortie. Cette dame qui avait, pour ainsi dire, la clé du cœur de son époux, en avait intercepté tous les mouvemens : une tristesse profonde avait été sa situation habituelle pendant la première année ; une douce langueur y avait succédé, et lui avait fait perdre, la vivacité de son âge et de son caractère. Armire