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n’avait qu’un défaut qui, très-considérable aux yeux du vulgaire, n’en paraissait peut-être pas un à Dorval, qui avait eu occasion, dans de fréquentes visites, de connaître plus particulièrement le mérite de Laure : il vint donc prier son amie de s’intéresser pour lui, et elle le lui promit de bon cœur. J’ai dit que l’amitié avait rempli dans le cœur de Laure la place qu’y tenait Alindor ; elle s’en flattait ; mais ce sentiment qu’elle croyait éteint, n’était qu’assoupi ; ou plutôt il s’était déguisé sous le masque d’une reconnaissance et d’une estime qu’il avait si justement méritées. Au moment où on lui proposa d’en aimer un autre, ses sentimens pour Alindor se, réveillèrent avec une vivacité dont elle fut effrayée : ses larmes décélèrent les secrets de son cœur ; et, se jetant dans les bras de son amie, elle essaya de s’y cacher pour ainsi dire, et lui déclara l’étrange révolution qui venait de se faire en elle. La marquise connaissait les passions ; elle avait été en danger d’en devenir elle-même la