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garde au miroir quatre fois l’année. Ce discours excita la curiosité de Laure, et elle demanda à cette femme si la marquise était veuve ou mariée. Elle est l’une ou l’autre, lui répondit-on ; son époux, assez aveugle pour ne pas connaître le mérite d’une telle femme, passe sa vie éloigné d’elle. Il y a trois mois qu’il est à Versailles, sous prétexte d’affaires ; il paraît ici, de tems en tems, comme un éclair, y passe quelques heures, et disparaît les semaines entières. Comme madame ignore le moment de ses visites, elle s’habille exactement chaque jour, le reçoit avec un visage égal, et dévore en sa présence le chagrin que lui cause sa conduite. S’il daigne lui donner un jour entier, elle se hâte de rassembler les plaisirs honnêtes dans la maison : inutiles soins ; ceux-là sont peu du goût du maître, et souvent, au moment de se mettre à table, il imagine, pour s’en aller, un prétexte auquel il ne daigne pas donner de la vraisemblance, et court chez une actrice à ses