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craint de trembler. La marquise interrompit plusieurs fois la lecture de cette lettre, pour jeter des regards dérobés sur Laure, qu’elle avait forcée de s’asseoir, et, à peine l’eut-elle achevée, qu’elle l’embrassa, en lui disant qu’elle savait un gré infini du dépôt qu’elle lui confiait, et qu’elle n’oublierait rien pour entrer dans ses vues ; mais quelles étaient ces vues ? Il n’était pas tems de les expliquer à Laure. Alindor, comme je l’ai dit, n’avait rien oublié pour former l’esprit et le cœur de cette fille, et pourtant il avait oublié l’essentiel. L’honneur, l’estime des hommes, la satisfaction intérieure que produit l’accomplissement du devoir avaient été les seuls motifs dont il s’était servi pour inculquer l’amour de la vertu dans l’ame de son élève : ce n’est pas qu’il ne fût pénétré de respect et d’estime pour la religion : il en remplissait exactement les pratiques, quoiqu’il n’en eût qu’une connaissance très superficielle, qu’il croyait suffisante. Le plus heureux naturel l’avait affectionné à