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sait les motifs, qui étaient la crainte de déchirer son cœur, et d’empoisonner toute la douceur de sa vie. Laure fit son voyage sans prononcer un seul mot ; l’abondance de ses sentimens suffisait pour l’occuper toute entière, et ; cependant il s’y en joignit un nouveau. De qui allait-elle dépendre ? Les lectures qu’elle avait faites lui avaient appris que le nombre de ceux qui ressemblaient à ses protecteurs, était extrêmement borné. Une marquise, domiciliée à Paris, devait, être une dame du bel air : on lui avait annoncé qu’elle était jeune ; elle devait donc être dissipée, livrée à tous les amusemens d’usage : faudrait-il partager sa dissipation, et renoncer à des occupations plus louables ? Quel maintien faudrait-il avoir dans ces sociétés, où l’on porte toujours un masque, pour ainsi dire, et où le naturel parait ridicule ? Une seule chose la rassurait : on se lie par la conformité des goûts et des mœurs : la marquise était l’amie d’Armire ; elle devait donc lui