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toutes les peines du monde à s’empêcher de faire un cri, tant la laideur de cette fille l’avait surprise. Elle résolut de lui parler, pour connaître si ce n’était point là une de ces méprises de la nature, qui souvent loge la plus belle ame dans le plus vilain corps. Il y avait entre elle et cette fille un grand bourbier qu’on franchissait à la faveur d’une petite planche : la fée feignit d’avoir fait un faux pas, et s’étendit tout de son long dans la boue, en jetant des cris épouvantables. La jeune demoiselle, touchée de compassion, appela ses gens qui n’étaient pas fort éloignés ; mais, comme ils tardaient trop au gré de son impatience, elle entra elle-même dans le bourbier, et donna la main à la vieille, pour l’aider à se relever. Laidronette, c’était le nom de cette demoiselle, ne se contenta pas d’avoir rendu ce service à la fée ; elle la fit monter dans son carrosse ; et étant arrivées à un village qui n’était pas loin de là, et où Laidronette avait sa maison de campagne, elle lui fit donner