Page:Beaumont - Contes moraux, tome 3, Barba, 1806.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(102)

pêchaient d’exprimer les sentimens de son cœur. Armire entendait, ou plutôt sentait toute l’éloquence de cette expression muette : elle goûtait le fruit de sa générosité, et ne pouvait presser Laure, ni de se relever, ni de parler, tant elle avait de plaisir à jouir des sentimens de sa nouvelle fille. Enfin Laure, avec une voix entrecoupée par les sanglots, lui fit deviner plutôt qu’entendre le vœu qu’elle faisait de lui être toujours soumise, et de n’admettre jamais dans son cœur que les sentimens qui pourraient mériter son approbation.

On pourrait croire que la reconnaissance avait excité les pleurs de Laure, qui s’était jetée une seconde fois aux pieds d’Armire, ou que La nécessité de se séparer d’Alindor les faisait couler ; un sentiment plus noble en était le principe. Sa malheureuse passion l’empêchait de consacrer ses jours au service de sa bienfaitrice, et la forçait de consentir à un exil qui la priverait de sa vue. Sans cet