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cacher ; mais plus mon amour est grand, plus je crains de vous perdre, quand vous me connaîtrez. Vous vous figurez, peut-être, que j’ai de grands yeux, une petite bouche, de belles dents, un tein de lis et de roses ; et si par aventure j’allais me trouver des yeux louches, une grande bouche, un nez camard, des dents gâtées, vous me prieriez bien vite, de remettre mon masque. D’ailleurs, quand je ne serais pas si horrible, je sais que vous êtes inconstant : vous avez aimé Belote à la folie, et cependant vous vous en êtes dégoûté. Ah ! madame, dit le prince, soyez mon juge ; j’étais jeune, quand j’épousai Belote, et je vous avoue que je ne m’était jamais occupé qu’à la regarder, et point à l’écouter ; mais lorsque je fus son mari, et que l’habitude de la voir eut dissipé mon illusion, imaginez-vous si ma situation dut être bien agréable ? Quand je me trouvais seul avec mon épouse, elle me parlait d’une robe nouvelle qu’elle devait mettre le lendemain, des souliers