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de rien. Comme le prince avait eu un fils de Belote, qui devait être son héritier, il ne se pressa point de prendre une autre femme, et ne pensa qu’à se bien divertir. Il goûtait extrêmement la conversation de Laidronette, et lui disait quelquefois, qu’il ne se marierait jamais, à moins qu’il ne trouvât une femme qui eût autant d’esprit qu’elle. Mais, si elle était aussi laide que moi, lui répondit-elle, en riant. En vérité, madame, lui dit le prince, cela ne m’arrêterait pas un moment : on s’accoutume à un laid visage ; le vôtre ne me paraît plus choquant, par l’habitude que j’ai de vous voir ; quand vous parlez, il ne s’en faut de rien que je ne vous trouve jolie ; et puis, à vous dire la vérité, Belote m’a dégoûté des belles ; toutes les fois que j’en rencontre une, stupide, je n’ose lui parler, dans la crainte qu’elle ne me réponde une sottise. Cependant, le temps du carnaval arriva, et le prince crut qu’il se divertirait beaucoup, s’il pouvait courir le bal sans être connu de personne.