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s’ennuyer tout à son aise, et où elle serait morte de chagrin, si sa sœur Laidronette n’avait pas eu la charité de l’aller voir le plus souvent qu’elle pouvait. Un jour qu’elle tâchait de la consoler, Belote lui dit : Mais ma sœur, d’où vient donc la différence qu’il y a entre vous et moi ? Je ne puis pas m’empêcher de voir que vous avez beaucoup d’esprit, et que je ne suis qu’une sotte ; cependant, quand nous étions jeunes, on disait que j’en avais, pour le moins autant que vous. Laidronette alors raconta son aventure à sa sœur, et lui dit : Vous êtes fort fâchée contre votre mari, parce qu’il vous a envoyée à la campagne ; et cependant cette chose, que vous regardez comme le plus grand malheur de votre vie, peut faire votre bonheur, si vous le voulez. Vous n’avez pas encore dix-neuf ans, ce serait trop tard pour vous appliquer, si vous étiez dans la dissipation de la ville ; mais la solitude dans laquelle vous vivez, vous laisse tout le tems nécessaire pour cultiver