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visage ; et comme elle ne savait rien, sa conversation était fort ennuyeuse. Les jeunes gens s’ennuyaient avec elle, parce qu’elle était triste ; les personnes plus âgées, et qui avaient du bon sens, s’ennuyaient aussi avec elle, parce qu’elle était sotte : en sorte qu’elle restait seule presque toute la journée. Ce qui augmentait son désespoir, c’est que sa sœur Laidronette était la plus heureuse personne du monde. Son mari la consultait sur les affaires ; il lui confiait tout ce qu’il pensait ; il se conduisait par ses conseils, et disait par-tout que sa femme était le meilleur ami qu’il eût au monde. Le prince même, qui était un homme d’esprit, se plaisait dans la conversation de sa belle sœur, et disait qu’il n’y avait pas moyen de rester une demi-heure sans bâiller avec Belote, parce qu’elle ne savait parler que de coiffures et d’ajustemens, en quoi il ne connaissait rien. Son dégoût pour sa femme devint tel, qu’il l’envoya à la campagne, où elle eut le tems de