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ber si malheureusement dans un buisson, qu’elle se déchira tout le visage. Elle se regarda bien vite dans un ruisseau, et elle se fit peur ; car le sang lui coulait de tous les côtés.

« Ne suis-je pas bien malheureuse, dit-elle à la bergère, en rentrant dans la maison ; Ingénu viendra demain matin, et il ne m’aimera plus, tant il me trouvera horrible. »

La bergère lui dit en souriant :

« Puisque le bon Dieu a permis que vous soyez tombée, sans doute que c’est pour votre bien ; car vous savez qu’il vous aime, et qu’il sait mieux que vous ce qui vous est bon. »

Aurore reconnut sa faute, car c’en est une de murmurer contre la Providence, et elle dit en elle-même, si le prince Ingénu ne veut plus m’épouser, parce que je ne suis plus belle, apparemment que j’aurais été malheureuse avec lui. Cependant la bergère lui lava le visage, et lui arracha plusieurs épines, qui étaient enfoncées dedans. Le lendemain matin, Aurore était effroyable, car son visage était horriblement enflé, et on ne lui