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s’appliquer et être sage, cela ne l’empêchait pas d’être battu ; d’ailleurs, Fortuné était si volontaire et si méchant, qu’il maltraitait toujours son frère qu’il ne connaissait pas. Si on lui donnait une pomme, un jouet, Fortuné le lui arrachait des mains ; il le faisait taire, quand il voulait parler ; il l’obligeait à parler, quand il voulait se taire : en un mot, c’était un petit martyr, dont personne n’avait pitié. Ils vécurent ainsi jusqu’à dix ans, et la reine était fort surprise de l’ignorance de son fils. La fée m’a trompée, disait-elle ; je croyais que mon fils serait le plus savant de tous les princes, puisque j’ai souhaité qu’il réussit dans tout ce qu’il voudrait entreprendre. Elle fut consulter la fée sur cela, qui lui dit : « Madame, il fallait souhaiter à votre fils de la bonne volonté, plutôt que des talens ; il ne veut qu’être bien méchant, et il y réussit, comme vous le voyez. Après avoir dit ces paroles à la reine, elle lui tourna le dos : cette pauvre princesse,