Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(126)

soin, et sitôt qu’il sut parler, on faisait devant lui toutes sortes de mauvais contes sur les personnes qui avaient le nez court. On ne souffrait auprès de lui que ceux dont le nez ressemblait un peu au sien ; et les courtisans, pour faire leur cour à la reine et à son fils, tiraient plusieurs fois par jour le nez de leurs petits enfans, pour le faire alonger ; mais ils avaient beau faire, ils paraissaient camards auprès du prince Désir. Quand il fut raisonnable, on lui apprit l’histoire ; et, quand on lui parlait de quelque grand prince, ou de quelque belle princesse, on disait toujours qu’ils avaient le nez long. Toute sa chambre était pleine de tableaux, où il y avait de grands nez ; et Désir s’accoutuma si bien à regarder la longueur du nez comme une perfection, qu’il n’eût pas voulu, pour une couronne, faire ôter une ligne du sien.

Lorsqu’il eut vingt ans, et qu’on pensa à le marier, on lui présenta le portrait de plusieurs princesses. Il fut enchanté de