Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(118)

à qui elle pût conter ses chagrins. Elle voyait que c’était la mode, à la cour, de trahir ses amis par intérêt ; de faire bonne mine à ceux que l’on haïssait, et de mentir à tout moment. Il fallait être sérieuse, parce qu’on lui disait qu’une reine doit avoir un air grave et majestueux. Elle eut plusieurs enfans ; et pendant tout ce tems, elle avait un médecin auprès d’elle, qui examinait tout ce qu’elle mangeait, et lui ôtait toutes les choses qu’elle aimait. On ne mettait point de sel dans ses bouillons ; on lui défendait de se promener quand elle en avait envie ; en un mot, elle était contredite depuis le matin jusqu’au soir. On donna des gouvernantes à ses enfans, qui les élevaient tout de travers, sans qu’elle eût la liberté d’y trouver à redire. La pauvre Blanche se mourait de chagrin ; et elle devint si maigre, qu’elle faisait pitié à tout le monde. Elle n’avait pas vu sa sœur, depuis trois ans qu’elle était reine, parce qu’elle pensait qu’une personne de son rang serait déshonorée, d’al-