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le château vert

— Ils sortent d’ici, oui, d’ici !…

Thérèse chancela sous l’attaque, et, les yeux troubles, elle bredouilla :

— Comment d’ici ?… Quelles imaginations !

— Pourquoi avez-vous inventé une calomnie pareille ?… Ou bien, qui te l’a racontée ? Je veux savoir !

Thérèse comprit sans peine la menace de Philippe. Mais, hautaine, en un courroux d’enfant gâtée, elle répliqua :

— Tu veux savoir ?… Eh bien ! celui qui m’a raconté le vol de la cassette en a été témoin…

— Et cet imposteur a mis plus de quarante ans à révéler le crime. Faut-il être sot et méchant pour ajouter foi à un tel mensonge !

— Si tu es venu ici pour me faire une scène, tu aurais pu rester chez toi.

— Insolente et niaise que tu es ! C’est ainsi que tu reconnais l’affection de tes amis ?

— Une drôle d’affection… Et puis, zut !

Thérèse fit tourner d’une main furieuse la clef de la serrure, ouvrit la porte claquante et s’encourut vers le parc, dans la direction de la plage, où ses parents se promenaient.

Philippe demeura penaud, essuyant avec son mouchoir la sueur de son visage. En présence d’une ingratitude aussi grossière, le sentiment du mépris fermentait en son âme, et le désir de représailles prochaines. Après tout, il savait ce qu’il lui importait de savoir. Et, sans attendre les parents de Thérèse, il rejoignit son auto et partit pour Agde.


CHAPITRE XIV

On était en janvier. Sous un ciel brumeux et doux, Barrière travaillait dans son jardin, de bonne humeur, ainsi qu’à l’ordinaire. Les injures du monde passaient sur son cœur comme le vent sur le fleuve, sans en troubler le fond. Ce qui le chagrinait, c’était l’obstination de Mariette dans son renoncement au beau mariage dont il s’était glorifié et aussi, par conséquent, la discrétion de Philippe qui ne rendait visite à ses voisins que par intermittences et pendant quelques minutes chaque fois.