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le château vert

sa table d’étude, se pencher sur des catalogues et sur des livres, dont la bibliothèque vitrée enveloppait à demi la pièce vaste et sourde. Là, dans le silence de la nuit et de la campagne, à la lisière de la vieille ville bourdonnante, quelle jouissance il éprouvait de découvrir chaque fois des notions nouvelles, qui enrichissaient son savoir davantage ! Il s’appliquait avec ferveur à connaître les origines, les exigences, les misères des plantes de son pays, et des plantes susceptibles de s’acclimater sur le littoral : il cherchait avec amour par quels moyens les rendre plus belles ou plus étranges, varier leur allure et leur couleur de vivantes merveilles du bon Dieu.

Tout à coup, quand la porte s’ouvrit, il tressaillit de surprise, et, dissimulant malaisément un certain ennui, il écarta son fauteuil de la table. Mais, à la faible clarté de sa lampe à huile, il reconnut M. Ravin, dont le maigre visage, étincelant de franchise, souriait. Aussitôt, lui aussi, se mit à rire, et il tendit ses mains calleuses.

— Je vous dérange, monsieur Barrière ?

— Vous, jamais. Est-ce qu’il y a du nouveau ?

— Oui, et qui vous intéresse personnellement. Aussi, ai-je voulu ne m’adresser qu’à vous. Même, je souhaite que ces dames ne sachent rien de ma visite ici.

— Diable !… Il n’y a rien de triste au moins ?

Ces manières cérémonieuses intriguaient un peu Barrière, qui, ayant avancé un fauteuil pour Ravin, ne bougea plus, fort attentif.

M. Barrière, on parle beaucoup de vous.

— De moi !

— On ne vous gâte pas.

— À quel propos ?

— Il faut que je vous en informe tout de suite. Nous ne sommes plus des enfants, n’est-ce pas ? On raconte une histoire d’autrefois, quand vous étiez maçon…

— Ah ! que j’étais jeune ! Et vous n’aviez pas alors, monsieur Ravin, le moindre souci de l’humble escargot que j’étais.

— On raconte, — excusez-moi, il faut que vous sachiez tout, pour que vous puissiez vous défendre, — qu’un jour, dans un château, vous avez découvert sous un escalier une cassette remplie d’or, et que vous l’avez dérobée.

— Moi ! une cassette !