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le château vert

— Ces choses-là, mon Dieu, ne s’inventent pourtant pas, avec tous les détails que vous m’avez donnés. Faut-il que Je vous les rappelle ?

— Pas la peine. La vie est assez compliquée sans que je la complique à cause de vous. Ainsi, répétez tout ce que vous voudrez. Je ne suis qu’un gueux à la parole de qui personne ne croit.

— On croira, du moins, à ma parole.

— Ce n’est pas sûr. Té !… Allons !…

Et, dans un nouvel élan de cynisme, il découvrit sa pensée profonde :

— D’abord, qu’est-ce que ça me rapporterait ?

Mme Jalade répondit du tac au tac :

— Pour confirmer devant le monde, à l’occasion ce que vous avez raconté à Mademoiselle, quelle récompense désirez-vous ?

— Ça vaut cher, un service pareil.

— Dites un prix.

Micquemic consulta du regard sa femme, toujours méfiante, mais qui, ayant peur de se compromettre dans aventure, détourna la tête. Alors, il lâcha un chiffre qu’il supposait inaccessible :

— Je risque gros. Barrière viendrait me chercher querelle, me tuer peut-être… Bé !… Ça vaut une centaine de francs.

— Comme vous y allez !.., répliqua Mme Jalade, feignant une grande peine, mais au fond soulagée de son anxiété devant ce chiffre qui, pour ses mains généreuses, se réduisait à peu de chose.

Elle essaya, néanmoins, de marchander, par précaution afin que le gueux n’élevât point ensuite ses exigences. Mordicus il maintint son prix, que l’on fut obligé d’accepter.

— Vous viendrez au Château Vert toucher vos cent francs.

— Demain !

Julia, qui de nouveau tracassait le nœud de son foulard sous le menton, éclata de rire. Micquemic aussi. Jamais un si doux soleil n’avait illuminé leur masure. Mme Jalade et sa fille, que troublait, malgré tout, la honte de s’attacher par la complicité d’un véritable crime ces deux sauvages, se retirèrent sans délai, au milieu de congratulations tapageuses.

La mer, déserte, resplendissait encore d’étincelles d’or,