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le château vert

duisaient fatalement à la ruine. Devant son audace elles restèrent d’abord ébahies. Même, il osa, les poings levés, marcher sur sa fille, qui recula jusqu’au mur, en abritant sa tête de ses bras. Irène, aussitôt, ressaisit le sentiment de son autorité.

— Que vas-tu faire, Benoît !

— Thérèse mériterait une bonne gifle, pour insulter des amis aussi méchamment, et moi avec eux.

— Des amis ! Parlons-en… Est-ce que notre fille n’est pas digne du seigneur Philippe Ravin ?

— Il n’est pas question de dignité. Philippe est libre d’agir à sa guise.

— Non !… Il n’aurait pas dû laisser à Thérèse l’illusion… D’ailleurs, ce mariage n’aura pas lieu.

— Pourquoi ?

— Parce que les Barrière ne valent rien du tout.

— Tu calomnies facilement.

— Moi ! Tu ne me connais donc pas ? Je suis une honnête personne, et j’entends que tu me respectes.

— Pas de grands mots, Irène. Voyons, qui t’a dit que Barrière ne vaut rien du tout ?

Thérèse vivement releva le front.

— Moi, je le dis !… Micquemic m’a raconté…

— Micquemic !… Un ivrogne !…

— Un ivrogne n’est pas forcément un menteur.

— Qui sait si un jour nous n’aurons pas besoin de Barrière !

— Nous, avoir besoin de Barrière !… Et toi, Thérèse, ce n’est pas parce que tu n’épouses pas Philippe que tu ne trouveras plus de mari.

— J’espère bien que j’en trouverai, et de premier choix ! mais, dans l’intérêt de Philippe, j’ai le devoir de le renseigner.

— Allons, suffit ! Je n’ai rien à attendre de votre bon sens.

Benoit s’effondra sur une chaise, et prenant sa tête entre ses mains, il se balança de droite à gauche.

— Eh bien ! dit Thérèse, si vous ne me croyez pas, moi, que maman vienne demain chez Micquemic, elle verra bien.

— C’est ça, petite, je viendrai.

Le lendemain, par un éclatant soleil, presque un soleil d’été à cette heure d’après-midi, Mme Jalade et sa fille