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le château vert

— Volontiers.

— Tout le monde à Agde s’entretient de son accident. Et nous sommes si voisins qu’il nous a particulièrement frappé.

— C’est naturel. Je ne manquerai pas de lui transmettre vos vœux.

Mariette, ainsi que sa mère, serra la main de Thérèse qui souriait de tout son visage aux yeux plissés. Tandis qu’elle s’éloignait à pas lents, d’un air recueilli, Thérèse, de nouveau troublée, monta chez Philippe.

Celui-ci, assis dans un fauteuil, une couverture sur les genoux, jouait aux dames avec sa mère. Thérèse lui dit tout de suite :

— Devine qui j’ai rencontré en bas, sur la terrasse, et qui m’a parlé très agréablement de toi ?

— Deviner… Mais… Un homme ou une femme ?

— Une jeune fille, et belle, il faut l’avouer.

Philippe affectait un grand étonnement, manière de dissimuler son émoi. Sa mère, qui était généralement de bonne humeur, éclata de rire :

— Parbleu, mon fils !… Il est évident qu’une jeune fille doit s’intéresser à ta santé… Tu ne devines pas ?

— Ma foi, non, balbutia-t-il, gêné par le regard scrutateur de Thérèse.

À présent que celle-ci ne subissait plus l’influence des caresses de Mariette, elle perdait tout à fait son assurance, et son appréhension d’une rivalité possible s’éveillait dans son âme.

— Ce n’est pourtant pas, dit-elle, difficile à deviner, Philippe. Il s’agit de ta voisine, la fille du jardinier.

— Ah !… Très bien. Elle est gentille, en effet.

— Oui… Mais tu deviens tout rouge. Pourquoi donc ?

— Moi !… C’est-à-dire… que la sympathie d’une jolie personne ne peut que me flatter.

— Allons, tu lui plais !

— C’est possible. Mais que veux-tu que ça me fasse ?

— Hé ! Hé !… Elle ne serait pas fâchée de s’appeler un jour Mme Philippe Ravin.

— Tu vas vite en besogne. Je te demande si j’ai jamais imaginé une chose pareille ?

— Toi, non, je sais bien. Mais elle !…

Le dépit, une sorte d’effroi dévoraient maintenant l’orgueilleuse Thérèse, qui allait et venait par la chambre.