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le château vert

personne ne l’avait surpris, mais son camarade, qui était ce Micquemic, l’avait pincé. Seulement, il n’a pas pu dénoncer le voleur, parce qu’il n’avait point de preuves.

— Ma petite, tout ça, c’est du roman.

— Ce qui me tracasse, c’est que les Ravin se sont liés avec les Barrière. Et qui sait si ces Barrière ne recherchent pas Philippe pour leur fille !

— Hein !… Il ne manquerait plus que ça !

Mme Jalade se débattait entre les bras de son fauteuil, en un tel courroux que M. Jalade se réveilla. Avec ses yeux clignotants, sa moustache ébouriffée, les traits de son visage tiraillés par la stupéfaction, il était presque laid.

— Qu’est-ce qui arrive ? demanda-t-il.

— Je te le raconterai tout à l’heure. Allons, Thérèse, viens te coucher.

Thérèse se laissa conduire, au delà du salon, dans sa jolie chambre, semblable à celle de Philippe, qui donnait sur le quai, sur l’immense espace où s’unissent les voix, parfois orageuses, de la terre et des eaux. Elle éprouvait maintenant un malaise de corps et d’âme, presque une honte, et le désir câlin d’en être consolée par des tendresses. Pendant que sa mère la bordait dans son lit, elle soupira :

— Il ne faut pas que les Ravin soient fâchés contre moi.

— Mais non, petite. Tu te fais des imaginations.

— Ni que les Barrière nous remplacent dans leur intimité.

— Mais non, va ! Philippe est un garçon sérieux, fidèle à ses affections. Quand il sera guéri, les choses iront toutes seules, dès que nous le voudrons.

— Je l’espère, maman.

Celle-ci baisa au front sa fille et se retira, disant :

— Allons, petite, fais dodo.


CHAPITRE IV

Le lendemain, Irène Jalade se leva d’assez bonne heure, sans réveiller son mari, lequel d’ailleurs, aimant parfois à faire la grasse matinée, feignait de dormir.