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le château vert

— Oui… Peut-être.

— Elle ne t’intéresse pas ?

— Si, puisqu’elle est jolie.

— Ça, c’est vrai.

Thérèse eut envie d’ajouter : « Et moi, est-ce que je ne suis pas jolie ?… » Seulement, elle n’osa pas. Comme Philippe lui prenait le bras et l’entraînait vers la maison, où M. Ravin attendait son fils, — car c’était l’heure du bureau, — elle eut un émoi de satisfaction glorieuse.

Au moment où les deux hommes s’apprêtaient à partir pour le magasin de vins, elle sauta au cou de Philippe et lui dit adieu.

— Thérèse sera toujours une enfant ! plaisanta M. Ravin.

Philippe, qui ne trahissait jamais ses émotions, serrait jalousement en lui l’image amoureuse de Mariette. Pourtant, devait-il se féliciter que Thérèse n’eût pas compris du tout sa secrète pensée ? Quelle déception plus tard !…


CHAPITRE II

Le 15 septembre, au Château Vert, Philippe avait tenu sa promesse. À la fraîcheur de l’heure encore matinale, il se promenait dans le bosquet de pins en compagnie des Jalade.

— Votre saison a été bonne ? leur demanda-t-il.

— Très bonne, répondit Benoit, Depuis deux jours nous sommes au calme. Mais je suis sûr que nous aurons du monde tout le long de l’année. Aussi, je ne fermerai pas l’établissement.

— Parbleu ? s’écria Philippe, trop soucieux de sa tranquillité pour contrarier les illusions de ses amis, ce qui d’ailleurs eût été inutile.

Mme Jalade, toute réjouie en ronde corpulence, confirma, non sans affecter une sage modestie, les déclarations de son docile Benoit :

— Nous aurons ici la saison d’été et la saison d’hiver, comme sur la Côte d’Azur.

Ah ! qu’elle enviait, parfois avec une sorte de rage, la fortune solidement assise des Ravin ! Ce qui la consolait en sa médiocrité présente, et certainement passagère,