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le château vert

sur le visage écarlate du pauvre Jalade, que bouleversant la frayeur d’une tempête chez lui, dès son retour au Château Vert.

— Apporte-moi, ordonna Ravin, le chiffre total de ce que tu dois à tes notaires et à moi. Je me charge de payer intégralement tes dettes. J’assume, d’autre part, la responsabilité de tous tes biens. S’il y a un reliquat, comme je veux l’espérer, je te le remettrai. Au Grau, tu seras mon gérant, sous ma surveillance, avec obligation de ne décider aucune dépense somptuaire sans mon autorisation.

Benoît se remuait fébrilement dans son fauteuil, répliquait en désarroi :

— Oh ! Oh !… C’est trop humiliant !

— Crois-tu qu’on ignore dans le pays que ta situation est fortement obérée ? Si tu as le courage de te soumettre entre les mains de l’homme désintéressé que je suis, on t’estimera davantage.

— Allons, allons, je ne serai plus qu’un domestique.

— Non, mon homme de confiance. À présent, si ta femme n’accepte pas mes conditions, je ferai vendre tes biens sans délai.

Benoît baissa la tête comme sous le couperet de la guillotine, et de quelques minutes, sans que Ravin eût la bienveillance de le ranimer par un mot de consolation, il ne bougea plus. Enfin, d’un élan d’impatience, il secoua ses épaules, se remit debout :

— C’est bon, dit-il, je suis un vaincu. Impossible de ne pas accepter tes conditions, mais, pour que tu sois devenu si sévère à l’égard de tes vieux amis, il faut que les Barrière t’excitent contre nous.

— Non ! Non !… Tu calomnies, à ton tour !… Moi, je ne subis le joug de personne. Et veux-tu savoir toute la vérité ? Si, au lieu de rester indifférent, les mains dans mes poches, devant la misère qui te menace, je m’efforce de te sauver de la faillite, c’est parce que Mariette, elle surtout, m’a supplié de pardonner à tes femmes et de me montrer indulgent vis-à-vis de toi.

— Si cela est vrai…

— Quoi ! Tu doutes de ma parole !…

— Non ! Non !… C’est tellement beau… Je n’aurais pas cru.

— Oui, crois-moi, étourneau que tu es !… Mariette ne