Page:Beaumarchais - Mémoires, tome1.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il avait déployée dans le cours de son existence accidentée. Le succès de ses hardiesses et l’engouement dont le public fut pris pour son amuseur le firent donc regarder comme une victime, et il devint l’objet de la curiosité générale. Une jeune femme, recommandable par son esprit et sa beauté, qui cherchait à associer sa vie à celle d’un homme célèbre, fut mise en relations avec Beaumarchais, et ne tarda pas à lui faire partager sa fortune en l’épousant.

Son procès relatif à la succession dont il avait été frustré fut repris ; il le gagna, et à cette époque cessèrent, jusqu’à la Révolution, les épreuves qui semblaient n’avoir traversé sa carrière que pour donner à son nom tous les genres de célébrité. Il consacra dès lors sa fortune et ses loisirs à des objets d’utilité publique. Il fut employé dans quelques affaires politiques par les comtes de Maurepas et de Vergennes. Il combattit les difficultés qui s’opposaient à l’établissement de la caisse d’escompte, et réussit à vaincre ces difficultés ; il réussit également dans le projet formé par une compagnie d’élever une pompe à feu pour fournir de l’eau à toutes les maisons de Paris. Il contribua à la réussite d’un plan formé par le commerce de Lyon en faveur des femmes pauvres. Après la mort de Voltaire, il voulut élever à ce grand homme un monument typographique digne de sa gloire. Il acheta la totalité de ses manuscrits, se procura les caractères de Baskerville, les plus beaux de l’Europe, loua pour dix-huit ans le fort de Kehl, fit fabriquer dans les Vosges un papier pareil aux plus beaux de la Hollande, rassembla les meilleurs ouvriers français et n’épargna rien pour l’exécution de ce projet. Puis, par suite de cet esprit de contradiction qui avait dirigé toutes ses actions, l’ancien