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pinion publique, fortement prononcée, témoignait assez qu’il ne l’avait point perdu, qu’il n’avait pas même été entaché.


Nous aurions pu, comme on l’a fait assez légèrement, nous borner à publier les mémoires relatifs au procès contre Goëzman, mais il nous a semblé que ce n’était pas faire connaître tout entier le spirituel pamphlétaire qui venait de créer un nouveau genre de défense, comme il avait déjà apporté un nouveau type au théâtre. Il était indispensable de publier les autres mémoires de Beaumarchais dans lesquels, plaidant pro domo sua, sans être absous cette fois par la complicité de la malignité publique, il défendait ses intérêts personnels au lieu de mettre à nu les plaies d’un système judiciaire de jour en jour plus mal étayé par ceux qui étaient chargés de le rendre respectable. Nous ne nous dissimulerons pas que les derniers mémoires ne s’élèvent pas à la même hauteur que les premiers, pas plus que la Mère coupable ne vaut les deux premières parties de la trilogie figaresque. On pourrait trouver les raisons de cette faiblesse d’intérêt toute relative dans l’affaiblissement inévitable des facultés d’un homme qui avait si largement prodigué, gaspillé, si l’on veut, sa vie à tant d’entreprises contradictoires, à tant d’ambitions diverses, qu’elles eussent suffi à donner ample besogne à vingt hommes ordinaires.

Un coup d’œil rapide sur les circonstances de la vie du plaideur blâmé par ceux-ci, loué par ceux-là, fera mieux comprendre ce qu’il y avait en lui de vitalité de conception, admirer cette vigueur personnelle d’un croquant né pour l’obscurité, regimbant contre ce lot immérité, et qui, en fin de compte, parvint à réaliser la plupart de ses espérances, jusqu’au jour où il s’éteignit usé par l’excès d’activité