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Soupçonner un homme dans le cabinet de madame !
Le Comte
Elle m’en a si sévèrement puni !
Suzanne
Ne pas s’en fier à elle, quand elle dit que c’est sa camariste !
Le Comte
Rosine, êtes-vous donc implacable ?
La Comtesse
Ah ! Suzon, que je suis faible ! quel exemple je te donne ! (Tendant la main au
Comte.) On ne croira plus à la colère des femmes.
Suzanne
Bon, madame, avec eux ne faut-il pas toujours en venir là ? (Le Comte baise
ardemment la main de sa femme.)
Scène XX
Suzanne, Figaro, La Comtesse, Le Comte.
Figaro, arrivant tout essoufflé.
On disait madame incommodée. Je suis vite accouru… je vois avec joie qu’il
n’en est rien.
Le Comte, sèchement.
Vous êtes fort attentif.
Figaro
Et c’est mon devoir. Mais puisqu’il n’en est rien, Monseigneur, tous vos jeunes
vassaux des deux sexes sont en bas avec les violons et les cornemuses,
attendant, pour m’accompagner, l’instant où vous permettrez que je mène ma
fiancée…
Le Comte
Et qui surveillera la Comtesse au château ?
Figaro
La veiller ! elle n’est pas malade.
Le Comte
Non ; mais cet homme absent qui doit l’entretenir ?
Figaro
Quel homme absent ?
Le Comte
L’homme du billet que vous avez remis à Bazile.
Figaro
Qui dit cela ?
Le Comte
Quand je ne le saurais pas d’ailleurs, fripon, ta physionomie qui t’accuse me
prouverait déjà que tu mens.
Figaro
S’il est ainsi, ce n’est pas moi qui mens, c’est ma physionomie.
Suzanne
Va, mon pauvre Figaro, n’use pas ton éloquence en défaites ; nous avons tout dit.
Figaro
Et quoi dit ? Vous me traitez comme un Bazile !
Suzanne
Que tu avais écrit le billet de tantôt pour faire accroire à Monseigneur, quand
il entrerait, que le petit page était dans ce cabinet, où je me suis enfermée.
Le Comte
Qu’as-tu à répondre ?
La Comtesse
Il n’y a plus rien à cacher, Figaro ; le badinage est consommé.
Figaro, cherchant à deviner.
Le badinage… est consommé ?
Le Comte
Oui, consommé. Que dis-tu là-dessus ?
Figaro
Moi ! je dis… que je voudrais bien qu’on en pût dire autant de mon mariage ; et
si vous l’ordonnez…
Le Comte
Tu conviens donc enfin du billet ?
Figaro
Puisque madame le veut, que Suzanne le veut, que vous le voulez vous-même, il
faut bien que je le veuille aussi : mais à votre place, en vérité, Monseigneur,
je ne croirais pas un mot de tout ce que nous vous disons.
Le Comte
Toujours mentir contre l’évidence ! À la fin, cela m’irrite.
La Comtesse, en riant.
Eh ! ce pauvre garçon ! pourquoi voulez-vous, monsieur, qu’il dise une fois la
vérité ?
Figaro, bas à Suzanne.
Je l’avertis de son danger ; c’est tout ce qu’un honnête homme peut faire.
Suzanne, bas.
As-tu vu le petit page ?
Figaro, bas.
Encore tout froissé.
Suzanne, bas.
Ah ! pécaire !
La Comtesse
Allons, monsieur le Comte, ils brûlent de s’unir : leur impatience est naturelle !
Entrons pour la cérémonie.
Le Comte, à part.
Et Marceline, Marceline… (Haut.) Je voudrais être… au moins vêtu.
La Comtesse
Pour nos gens ! Est-ce que je le suis ?
Scène