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MÉLANGES EN PROSE ET EN VERS

PLACET

À MESDAMES DE FRANCE, QUI M’AVAIENT PROMIS DE S’OCCUPER DU SOIN DE MA FORTUNE 1.

Comparaison tirer de l’Écriture sainte. Couvert de lèpre, assis sur un fumier, Nu comme un ver, mais armé de constance Job, autrefois, ne cessait de crier : « Frappez, mon Dieu, je bénis ma souffrance. »

Quoi ! dit Satan écumant de courroux, Mon art ne peut opérer la défaite ? Maudis ce Dieu qui te livre à mes coups ! Job répondit : « Sa volonté soit faite. »

Mais les voleurs égorgent les troupeaux ; Tes grains sur pied sont détruits par l’orage, Le feu du ciel a brûlé tes châteaux ! « Tout est à Dieu, je n’en eus que l’usage.

Ii-’- maux affreux t’ont ravi la santé, Tes fils sont morts et ton Dieu t’abandonne. « Non, non, dit Job, j’adore sa bonté ; S’il me punit, sans doute il me pardonne. »

Qu’arriva-t-il ? Satanas fut vaincu. Anges de Dieu, qui du ciel descendirent, Rendant à Job plus qu’il n’avait perdu, Dans sa richesse enfin le rétablirent.

Job mon patron, semblable est notre histoire : J’avais des biens, je n’ai plus un denier 2 ; Et comme toi je chante ici la gloire Du Roi des rois, assis sur mon fumier.

Jusqu’à ce point la copie est parfaite ; Reste à montrer le diable et ses agents Me tourmentant et pillant ma retraite, Puis faire voiries anges bienfaisants.

Le diable, c’est celui de l’injustice ; Ses agents sont avocats, procureurs, Qui par exploits, tourments, noir artifice, De tout mon bien ont été les voleurs 3.

1. Pièce de vers assez inattendue dans les Œuvres de Beaumarchais ; mais il s’adressait à de pieuses princesses et il fallait parler leur langage. Ou a vu dans l’Introduction comment il avait su arriver jusqu’aux filles de Louis XV. Ed. F. . La mort de sa première femme, arrivée uu peu auparavant, t’axai : miné.

. Allusions à ses procès avec les parents de sa femme. Anges du ciel, ce sont belles princesses, Dont le cœur est l’appui des malheureux, Leur seul regard a calme mes détresses, Il m’a prédit un avenir heureux.

VERS POUR GOURSAULT A MANON SILVIE ». Si vous m’en croyez, mon cher Goursault, vous serez ’h 1 moitié du bon persiflage que je médite a toute ma société, hommes et femmes. Pour que vous soyez au fait, vous devez vous rappeler que sur la plaisanterie de votre tourterelle vous avez fait deux envois de vers et qu’ils ont été lus en pleine table ; que quoiqu’ils soient très-jolis pour le fond des choses, on a trouvé qu’ils n’étaient ni assez bien mesurés ni assez richement rimes pour être sortis de votre plume ; le soir, en rentrant, on me les a montrés, et sur-le-champ j’ai imaginé de leur rendre la plaisanterie toute chaude. J’ai gagé que vous aviez exprès négligé les rimes et les mesures pour rire après aux dépens dis moqueurs ; on a tenu ma gageure et l’on m’a fait convenir que si vous l’aviez fait exprès vous ne tarderiez pas à venir rire aux dépens de ceux qui les ont critiqués.

L’on m’a interdit ensuite toute communication avec vous jusqu a lundi, qui est le terme accordé pour payer de part ou d’autre.

Sur-le-champ j’ai bâclé en vers la plaisanterie • 1 1 1 . - ji- oiis envoie. Il ne s’agit que de l’ecrii Y m. h-, main et de l’envoyer sur-le-champ par la petite poste a la divine Julie. Je me charge du reste. Vous écrivez trop bien en latin, en français, dans le style oratoire et familier, pour ne pas rire le premier des fautes que vous pouvez faire en vérifiant : tenez bon, je ne vous vendrai pas et je vous ménage deux ou trois scènes comiques qui sont le vrai sel de la société. Je suis, comme vous savez, votre serviteur et ami.

De Beaumarchais.

Dans tous les cas, rendez-moi le brouillon que . Petite mystification, prose et vers, dont s’amusa Beaumarchais aux dépens de sa société, et au profit de son ami le médecin Goursault. Nous avons copié cette pièce sur l’autographe aux manuscrits de la Bibliothèque nationale. Ed. F.