fecte !… Elle croit être ma femme… Elle m’écrit… Sa lettre me poursuit… Elle espère qu’un fils me rendra bientôt notre union plus chère… Elle aime les souffrances de son nouvel état… Misérable ambition !… Je l’adore, et j’en épouse une autre !… Elle arrive, et l’on me marie… Mon oncle… Oh ! s’il savait… Peut-être… Non, il me déshériterait… (Il se jette dans un fauteuil.) Que de peines ! d’intrigues !… Si l’on calculait bien ce qu’il en coûte pour être méchant… (Se levant brusquement.) Les réflexions de cet homme m’ont troublé… Comme si je n’avais pas assez du cri de ma conscience, sans être encore assailli des remords de mes valets !… Elle va venir… Ah ! je ne pourrai jamais soutenir sa vue. L’ascendant de sa vertu m’écrase… La voici… Qu’elle est belle !
Scène IX
Un mouvement plus naturel vous faisait précipiter vos pas, Eugénie. Aurais-je eu le malheur de mériter… (À madame Murer qui entre, en la saluant.) Ah ! madame, pardon, vous me voyez confus de m’être laissé prévenir.
Vous vous moquez, milord. Est-ce dans une maison à vous qu’il convient de faire des façons ?
Que j’ai souffert, ma chère Eugénie, de la dure nécessité de m’éloigner au moment de votre arrivée ! J’aurais désobéi à mon oncle, au roi même, si l’intérêt de notre union…
Ah ! milord !
Elle s’afflige.
Et de quoi ? Vous m’effrayez ! Parlez, je vous prie.
Rappelez-vous, milord, l’extrême répugnance que j’eus à recevoir votre main à l’insu de nos parents.
J’en ai trop soupiré pour l’oublier jamais.
Votre présence me soutenait contre mes réflexions ; mais bientôt des souvenirs cruels m’assaillirent en foule… Les derniers conseils d’une mère mourante… la faute que je commettais contre mon père absent… l’air de mystère qui accompagna l’auguste cérémonie dans votre château…
N’était-il pas indispensable ?
Votre départ, nécessaire pour vous, mais douloureux pour moi… (Baissant la voix.) Mon état…
Votre état, Eugénie ! Ce qui met le sceau à mon bonheur peut-il vous affliger ? (À part.) Infortunée !
Ah ! qu’il me serait cher, s’il ne m’exposait pas…
Je me croirai bien malheureux, si ma présence n’a pas la force de dissiper ces nuages. Mais qu’exigez-vous de moi ? Ordonnez.
Puisqu’il m’est permis de demander, je désire que vous employiez auprès de mon père cet art de persuader, ah ! que vous possédez si parfaitement.
Ma chère Eugénie !
Je souhaiterais que nous nous occupassions tous à le tirer d’une ignorance qui ne peut durer plus longtemps sans crime et sans danger pour moi.
Le comte seul peut décider la question.
Je suivrai vos volontés en tout. Mais à Londres !… si près de mon oncle… s’exposer… cette colère si redoutable de votre père… Je pensais que l’on pourrait remettre cet aveu délicat à notre retour au pays de Galles.
Où vous viendrez ?
J’espérais vous y rejoindre avant peu.
Que ne l’écriviez-vous ? Un seul mot de ce dessein nous eût empêchés de venir à Londres.
Quand vous n’auriez pas suivi d’aussi près la nouvelle que j’ai reçue de votre résolution, je me serais bien gardé d’y rien changer. Mon empressement égalait le vôtre. (D’un ton très-affectueux.) Aurais-je voulu suspendre un voyage qui a mille attraits pour moi ?
Il est charmant !
Je n’ai plus qu’une plainte à faire : me la pardonnerez-vous, milord ?
Ne me cachez rien, je vous en conjure.
Un cœur sensible s’inquiète de tout. Il m’a semblé voir dans vos lettres une espèce d’affectation à éviter de m’honorer du nom de votre femme. J’ai craint…