des trois royaumes ! Votre époux est obligé de vous quitter ; vous êtes chagrine ; vous brûlez de le rejoindre à Londres : je vous y amène, tout cède à vos désirs…
Cette ignorance de mon père m’inquiète, madame ; d’un autre côté, milord… Devions-nous le trouver absent, lorsque nos lettres lui ont annoncé le jour de notre arrivée ?
Il est à Windsor avec la cour. Un homme de son rang n’est pas toujours le maître de quitter…
Il a bien changé !
Que voulez-vous dire ?
Que s’il avait eu ces torts lorsque vous m’ordonnâtes de recevoir sa main, je ne me serais pas mise dans le cas de les lui reprocher aujourd’hui.
Lorsque je vous ordonnai, miss ! À tous entendre, on croirait que je vous fis violence ! et cependant sans moi, victime d’un ridicule entêtement, mariée sans dot, femme d'un vieillard ombrageux, et surtout confinée pour la vie au château de Cowerly… Car rien ne peut détacher votre père de son insipide projet.
Mais si le comte a cessé de m’aimer ?
En serez-vous moins milady Clarendon ?… Et puis, quelle idée ! un homme qui a tout sacrifié au bonheur de vous posséder !
Il était tendre alors. Que de larmes il versa lorsqu’il fallut nous séparer ! Je pleurais aussi, mais je sentais que les plus grandes peines ont leur douceur quand elles sont partagées. Quelle différence !
Vous oubliez donc votre nouvel état, et combien l’espoir de la voir bientôt mère rend une jeune femme plus chère à son mari ? Ne lui avez-vous pas écrit cette nouvelle intéressante ?
Son peu d’empressement n’en est que plus affligeant.
Et moi je vous dis que vos soupçons l’outragent.
Avec quel plaisir je m’avouerais coupable !
Vous l’êtes plus que vous ne pensez : et cette tristesse, ces larmes, ces inquiétudes… Croyez-vous tout cela bien raisonnable ?
Grâce aux considérations qui tiennent notre mariage secret, il faut bien que je dévore mes peines. Mais aussi, milord… n’être pas à Londres le jour que nous y arrivons !
Son valet de chambre est ici : je vais envoyer chez lui pour vous tranquilliser.
Scène V
Que veut milady ?
Encore milady ! On lui a défendu cent fois de vous nommer ainsi.
Dis-moi, Drink, quand ton maître revient-il à Londres ?
On l’attend à tout moment ; les relais sont sur la route depuis le matin.
Vous l’entendez. Rentrons, ma nièce. (À Drink.) Vous, allez voir s’il est arrivé.
Bon, madame ! il serait accouru…
Scène VI
S’il me paye pour mentir, il faut avouer que je m’en acquitte loyalement ; mais cela me fait de la peine… C’est un ange que cette fille-là ! Quelle douceur ! Elle apprivoiserai t des tigres. Oui, il faut être pire qu’un tigre pour avoir pu tromper une femme aussi parfaite, et l’abandonner après. Mon maître, oui, je le répète, mon maître, quoique moins âgé, est cent fois plus scélérat que moi.
Scène VII
Courage, mons Drink !
Qui diantre vous savait là, milord ? On vous croit à Windsor.
Vous disiez donc que le plus scélérat de nous deux, ce n’est pas vous.
Ma foi, milord, puisque vous l’avez entendu…
Ce lieu est sûr apparemment ?
Il n’y a personne. La nièce est chez la tante, le bonhomme de père est sorti.