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JEAN BÊTE À LA FOIRE, SCÈNE VIII.

JEAN BÊTE.

Ah ! qu’il va t’être charmé de vot’accident !

LA JEUNE FILLE.

Pourquoi donc ça ?

JEAN BÊTE chante. Premier couplet.

D’compliments, z’il en a par d’sus la tête.
Qu’eu chanc’pour lui ! z’il va passer sa fête
Sans vermisseaux, sans couplets ennuyeux.
C’est ben gracieux,
Très-gracieux,
Fort gracieux.
Tout le monde répète en chœur :
C’est ben gracieux,
Très-gracieux,
Fort gracieux.

JEAN BÊTE. Deuxième couplet.

N’savez-vous pas qu’c’est un homme modeste,
Qui craint l'z'éloges et les fuit com’ la peste ;
Je l’vois là-bas qui m’approuve des yeux.
C’est ben gracieux, etc.

LE CHŒUR.

C’est ben gracieux, etc.

JEAN BÈTE chante. YroiÀièn Dil’lui :.(’devions vous jouer chacun z’un rOle ; Mais d’puis huit jours j’ons perdu l’mait’d’école Qui ("sait nos vers ; il répondra : Tant mieux. C’est ben gracieux, etc.

LE CHŒL’R. C’est ben gracieux, etc. JEAN BÈTE. Quatrième couplet. (jutons les garçons lui fass’la révérence ; Qu’parmi les filles la pus gentille s’avance, Et vous l’baise en godinelt’sur les yeux. Via c’qu’est gracieux, etc.

LE CHŒUR. V’ià e’qu’est gracieux, etc.

JEAN BÊTE. ist pas là z’encore ma seule raisou pour vous r’fuser des couplets, mais c’est que j’ai juré de n’en plus faire. Si vous saviez ce qui m’est z’arrivé s’t’etél…

ISABELLE.

Eh ! quoi donc, monsieur Jean Bête ?

JEAN BÊTE chante. Cinquième couplet J’fais des vers en prose pour une Nanelle ; Elle me remercie ; les v’là dans sa pochette. Quai’jours après jles rlrouvis dans les lieux. C’est ben gracieux, etc.

LE i; C’est ben gracieux, etc.

GILLES, riant. Ah ! ah ! ah ! ah ! v’là ben l’pus bon, le dernier ! c’est le couplet de l’auteur. Ah ben ! tenez, monsieur Jean Bête, je vous conseille c’te fois-ci d’être constipé pendant pus de quinze jours, car vous pourriez ben rencontrer dans l’p’tit endroit que vous venez de dire tout ce quevousnou ? z’étudier z’aujourd’hui.

ARLEQUIN donne un coup de pied au cul de Gilles et se remet gravement. Tu peux être sûr que toutes les fois que tu parcul, mon pied : je te le garde.

GILLES, en colère, se frottant lafess. Ah ! c’est trop fort z’à la fin ! Est-ce que tu ne qu’on ne touche là qu’avec que tu /’■ rais te mesurer avec moi à z’armes >■..

ARLEQUIN. Je n’oserais, dis-tu ?

GILLES. -eringue, puisque tu vois que je n’ai pas de pot de chambre pour te répondre.

ARLEQUIN" jette sa seringue. Tu vas voir si j’ai besoin d’elle pour te manger lu cul jusqu’à la prunelle. (Il aie sa robe.) Reconnais-moi donc, je suis l’ours.

GILLES, effrayé. Ah !

JEAN BÊTE ôte sa robe de médecin. Et moi le Turc.

TOUT LE MONDE, surpris. Ah !

LE CHEVALIER. armé de toutes pièces, de de l'intermède espagnol, entre et dit :

Et moi le diable, car il faut qu’il se fourre partout.

(Tout le monde crie et s’enfuit.)

Il reste seul au milieu du théâtre en silence, il est garni sur ses armes d’artifice de table de la tête aux pieds, avec des estoupilles qui se communiquent. Deux personnages, habillés comme dans la scène des ombres de l’intermède, an ivent, tenant dans chaque main une gerbe allumée; ils tournent et niellent le feu à deux gerbes que lient de même le chevalier armé, avec lesquelles il allume le reste de son artifice. Pendant ce temps, l’orchestre, avec cors de chasse en pleine trompe et un ballet, joue la marche du roi de Prusse comme dans les fêtes publiques.

ARLEQUIN, en ours, entre à cheval sur les épaules de Gilles, qui court comme un homme qui fuit, et s’arrête enfin devant les spectateurs.

Messieurs, si notre spectacle vous a paru froid, au moins serez-vous forcés de convenir qu’il a fini chaudement.

FIN DE JEAN BÊTE À LA FOIRE.