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JEAN BÊTE À LA FOIRE, SCÈNE IX.

GILLES. Oh ! dame ! quand il s’y met, c’est z’un vrai p’tit Volterre à terre.

ARLEQUIN lui donne un coup de pied au cul et se remet gravement. Ce qu’on dit là ne vous regarde pas : z’on parle d’un Charles, et vous vous appelez Gilles.

Gilles Morguiennes ! avertissez donc quand vous frappez : on se rangera.

ISABELLE. Mon cher z’amant, je crois que vous m’en contez un peu, et ce n’est pas bien à vous ni à mon ch’père d’abuser z’avec des contes moraux l’innocence d'une jeunesse nubile comme je puis l’être. Ousqu’il y a un saint dans ce monde-ci qui ne soit pas depuis bon longtemps dans l’autre ? Moi je n’en ai jamais vu que dans la châsse Saint-Ovide et dans l’almanach.

JEAN bête Je vais, ma charmante, vous expliquer ça tout aussi clair que six et six font quinze : c’est qu’ils disent comme ça qu’ils chôment à la fous deux saints du même nom : le Charles qui z’est mort et que personne ne connaît, et le Charles qui est vivant et que tout le monde z’aime ; l’ancien, qui est bon (dit M. le curé) pour l’autre monde nouveau, que’ nous savons tous qu’est ben pus meilleur pour celui-ci : s’t'ilà, qu’un z’écorche en latin au lutrin, et s’t'ici qui mérite ben qu’on le en bon français ; enfin, le saint Charles de Rome, qui ne nous vient zen passage une fois par an que pour user not’ encens et nos cierges, et le saint Charles d’Élhioles, que chacun de nous retrouve à tous moments dans ses besoins pressants. Pour moi. je suis de leux avis. Mais les saints que je fête le plus volontiers sont les gens qui font du bien.

GILLES. Vivat aussi ! c’était la Toussaint il y a trois jours ; n'ayez pas peur qu’ils aient fourré s’t'ici dans la mêlée avec la foule : il leux est trop cher pour ça.

ARLEQUIN donne un coup de pied au cul à Gilles et se remet gravement. Mais qui est-ce qui vous demande vot’ avis ? Vous mettez toujours vot’nez dans les matières des autres !

Gilles, se frottant la fesse. O ! c’est ben là z’un vrai propos de seringue. Va !... si tu n’avais pas t’une arme aussi z’entrante, je t’aurais déjà t’éreinté.

CASSANDRE, à Jean Bête. Mais, puisque vous en savez tant, not’gendre, expliquez-nous donc z’aussi comment que ça se fait que deux saints s’appellent de demesme.

JEAN BÊTE. M’ c’est que le nom de famille de l’ancien z’a servi de nom de baptême au nouveau : v’là comme z’en fait de saint ça s’est toujours z’enfile de l’un /’a l’autre, dans tous les ièi les di s sièi les. Par exemple, moi qu’ai l’honneur d’être monsieur Jean Bête [il oie son chapeau, tous Joui de même), le Saint dont auquel j’ai succédé z’au nom s’appelait de famille Jean. S’t'ila qui vomira z’hériter du mien (je suppose), z’un chacun voit bien commenl faudra qu’il se nomme. ISABELLE. Queux i -prii spirituel que mon Jean Bête ! c’est z’utie chiclopédie ! CASSANDRE. Mais, not’ gendre, quand z’on a quel’ chose a dire z’à l’un des deux saints, comment fait-on pour les reconnaître JEAN BÊTE. Ah ! ah ! ah ! d ! iv à tous, s’il y en a z’un -’iil qui s’y trompe. Il- vont se mettre à genoux cagneux devant celui-là : Saint Charles Born on c. r i iez pour nous ; z’y viennent toutbonnement à celui-ci : Saint Charles bien-aime, obligez-nous. Je ne sais pas si le Borromée z’accorde loui e qu’on l’y demande ; mais, pour le bienaimé, z’il estsùr qu’il n’y manque jamais. GILLES. Ah bon ! laissons en paix ce Laramée et chan- • le i :n-aimé. ARLEQUIN d ’ v de pied au cul ù Gilti s et se renh ! iji c, ment. Ce piiii garçon-là z’est incorrigeable : z’on ne peut pas lui former le tempérament z’au -GILLES, se frottant lu fesse. Ah ! jerni, t’i i CASSANDRE. A qui que t’en as donc toujours, Gilles ? on n’entend que lui, ce Jérémi : ! CILLES. Oui, puisqu’il faut le dire en musique, oui. Géi ol toujours son vilain pied z’à mou cul ; ça a m î i in. - fess - en bi u farcy, z’et mon croupion . ’. s-tu, vieux ci sol ut .’ CASSANDRE. Queux inondations de platitudes ! SCÈNE X LES ACTEURS PRÉCÉDENTS, LES PAYSANS DU VILLAGE. UN JEUNE G VRÇON. Ah ! monsieur Jean Bête, faites-nous doue des couplets pour chauler quand nous irons au-devant -h’ not’ seigneur, z’avec ne- 1 Tanche- de bouquets. JEAN BÈTE. Qnoil vous n’avez ni chansons ni vers à lui lâcher s’t'annéc ? uni : jeune fille. Nous avons cherché z’un poëte dan- tout le village, par mer et par terre ; mais nous n’en avons pas tant seulement pu z’attraper la queue d’un ir Jean Bêle.