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JEAN BÊTE À LA FOIRE, SCÈNE VIi.

ARLEQUIN. Oui : il a nommé un certain faubourg qui finit en au.

GILLES. Ah ! ah ! le faubourg Saint-Martin ?

ARLEQUIN. Non ! c’est un nom en au.

CASSANDRE. Le faubourg Saint-Honoré ?

ARLEQUIN. En au, je vous dis ! c’est le faubourg… le faubourg…

GILLES. Eh ! que vous êtes donc bête, monsieur Cassandre ! c’est le faubourg Saint-Marceau ; n’y a que celui-là z’à Paris.

ARLEQUIN. Oh ! que ce n’est pas ça ; je l’ai sur le bout de la langue, le faubourg… ah ! le faubourg Saint-Antoine. Je savais bien qu’à la fin je le trouverais.

I ISSAXDRE. En au le faubourg Saint-Antoine ! c’est z’apparemment de la nouvelle ostographe de ce Voltaire ! Ça ne fait rien, il faut toujours courir après lui ; et y a-t-il bien longtemps qu’il est parti d’ici ?

ARLEQUIN. Il y a environ… sept a huit jours.

. . . . .

gili.es à Cassandre. Je crois que le citoyen de Chambéry se moque de vous, monsieur le bonhomme Cassandre.

CASSANDRE à Gilles. Je ne suis pas t’a m’en apercevoir. (À Arlequin.) Et il avait z’un âne, dis-tu ?

GILLES. C’est sûrement z’un ours qu’il veut dire.

ARLEQUIN. Comme vous voudrez : un âne, un ours, tout ça m’est égal. Mais, pour son âne ou pour son ours, il avait tant couru, il était si fatigue, si z’éreinté qu’il doit être à présent… crevé, messieurs.

GILLES. Grouin, mon ami, est-ce que tu te fiches de nous ?

ARLEQUIN. Oh ! messieurs, je sais trop ce que je vous dois pour y manquer, avec plaisir assurément ; mais si vous avez beaucoup de questions à me faire, dépêchez, car votre compagnie commence à m’ennuyer.

CASSANDRE. Nous ne faisons que d’arriver.

ARLEQUIN. Je ne sais comment ça se fait, n’y a qu’un moment que je vous connais et je suis déjà dégoûté de vous.

GILLES. Comment dis tu ça, mannequin ?

ARLEQUIN se levant. Je ne m’appelle pas mannequin, z’on me nomme Arlequin, fils de Vilebrequin, petit-fils de Maroquin, surnommé Chasse-Coquin.

{Il les rosse avec sa batte, les pousse ; ils tombent l’un sur l’autre, la tête à perruque roule par terre.)

GILLES, criant. Ah ! monsieur Vilebrequin, monsieur Maroquin ! Z’au guet ! z’au guet !

ARLEQUIN. Je vous apprendrai à z’estropier mon nom, faquin.

GILLES, par terre, lui faisant la moue. Oum, oum, vilain ours.


SCÈNE VII


CASSANDRE, GILLES, par terre.

ISABELLE, avec un éventaire de pommes. J’entends du bruit devant notre porte, est-ce que mon z’amant serait revenu ?

xassandre Ah ! l’enragé !

GILLES, criant. Ah ! l’endiablé !

i- BELLE, voyant la tête à perruque. Ah ! ah ! il faut que mon ch’père ait passé par ici, car v’là sa tête qui roule.

TOUS DEUX, se relevant. Aïe, aïe, aïe.

ISABELLE les aperçoit. Eh ! qu’est-ce que vous faites donc là, mon ch’père, avec Gilles dans le tas d’ordures ?

CASSANDRE. Je suis t’éreinté.

GILLES. Je suis t’abimé.

ISABELLE. Est-ce que vous avez revu c’t'homme de tantôt ?

CASS v Non, c’est z’un marchand de faïence ; nous revenions Gilles et moi pour le chercher, aïe, aïe, aïe.

ISABELLE. Qui, ce marchand de faïence ?

CASSANDRE. Eh non, pour chercher c’t'homme de tantôt, nous l’avons trouvé z’ici, z’assis par terre, aïe, aïe.

ISABELLE. Qui, c’t'hommc de tantôt ?

C ISSANDRE. Eh pour ça, mon Dieu, non, c’est ce marchand de faïence que nous avons trouvé, nous avions pris t’un bâton chacun, Gilles et moi, pour le mettre à la raison, aïe, aïe, aïe.

ISABELLE. Qui, ce marchand de faïence ?


C liSS 1.NDRE. Eh ! non, langue de Jéricho, pour mettre à la