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livres faits par la compagnie suffiront, et fort au delà.

On a vu plus haut que les revenus de la compagnie seront un jour de 3,500,000 l.

Sur lesquels à déduire les frais de régie, évalués, dans le cas d’un succès complet, à 62,700 l.

La consommation des charbons pour les trois machines à feu, quatre vingt-dix mille muids, à cause des pertes et coulages 105,120

L’entretien et les réparations, dans lesquels il faut comprendre le renouvellement des tuyaux de bois, estimé à cinq pour cent de la dépense… 182, 900 On observe que cette dépense n’a pas monté à deux pour cent jusqu’à présent, y compris l’inexpérience, les fautes et les mécomptes de MM. Perrier.

Nous porterons encore pour l’entretien des bâtiments, des conduites de fer, etc., un pour cent du prix de leur construction ;

cette dépense est forcée.. 58, 380 À déduire donc 109,100

Reste net en revenu. 3, 090, 900 l.

À partager à quatre mille quatre cent quarante-quatre actions, à cause de celles dues à MM. Perrier, cela fait pour chacune six cent quatre-vingt-quinze livres huit sous sept deniers. Ce dividende porte la valeur de l’action à treize mille neuf cent huit livres onze sous huit deniers, et l’on ne peut trop répéter qu’on ne fait pas entrer ici les établissements de toute espèce qui peuvent se former par la facilité de se procurer de l’eau, comme les bains, les lavoirs, les arrosages, etc.

Il n’est pas étonnant que le nombre des abonnements ne soit pas bien considérable. Toutes les choses nouvelles, les modes exceptées, prennent difficilement en France : il semble même que les entreprises qui ont pour but l’utilité publique aient une marche moins rapide, mais elle est en même temps et plus solide et plus constante. On a remarqué que la première année de l’établissement des conduites il a été très-difficile de se procurer des abonnements : les premières maisons abonnées n’avaient la plupart souscrit que pour un an ; mais, malgré toutes les critiques que des gens aussi bien intentionnés qui l’auteur de la brochure se sont permis de répandre sur la qualité de nos eaux, toutes ces maisons, sans exception, ont continué leur engagement, et même ont demandé des augmentations d’eau. Actuellement que le public a sous les yeux beaucoup d’exemples qui donnent la certitude d’un service exact, les souscripteurs viennent en foule.

La compagnie n’est donc plus dans le cas de hasarder aucune dépense dans l’espoir incertain d’un produit : au contraire, elle a décidé l’an passé qu’il ne serait posé de conduite dans aucune rue qu’elle ne fût assurée d’avance d’un revenu de vingt pour cent au moins des frais de la conduite : cette marche depuis s’exécute à la rigueur. Non qu’elle ait cru, comme nous l’avons dit, que les petits ménages s’abonneraient (voyez les lettres patentes arnii’dees a MM. l’erncr ; au contraire. considérant que bien des pauvres gens ne peuvent et ne doivent pas payer la petite quantité d’eau qu’ils consomment, elle a ordonné à ses fontainiers que tente per.-0 11 lie q 1 1 i Se p l’e-’’1 1 1 Cl’a i I pOIll’boil’e ou pour en emporter ne la payât point : en effet, ne vendant à la plupart de ses dépôts que trois deniers la voie d’eau composée de deux seaux, quelle monnaie exigerait-elle qui représentait moins d’eau qu’elle n’en donne pour un liard ?

Nous convenons que les calculs sur la quantité d’eau que doit consommer chaque habitant de Paris sont sujets à beaucoup d’erreurs ; mais il n’en est pas moins certain que les consommations de tout genre augmentent en proportion que les denrées abondent et sont à bon marché. Il se consomme moins de sel dans les pays de gabelle que dans les provinces franches. Avant les établissements de la compagnie, l’eau valait, dans les sécheresses et les glaces, jusqu’à dix sous la voie dans beaucoup de faubourgs : il est sûr que dans ces moments l’indigent l’économisait ; souvent le peu qu’il en avait se corrompait en la gardant l’été : de là les fièvres, les maladies. Grâce à la compagnie des eaux, c’est un mal qui n’arrivera plus : tous auront de l’eau abondante, bien saine, au plus bas prix possible, et notre seul charlatanisme, pour attirer grands et petits au piége de nos fournitures, sera de prouver aux gens riches que nous donnons pour cinquante francs la même quantité d’eau qu’ils payaient plus de cent écus ; aux pauvres, que nous vendons un liard ce qui coûtait deux ou trois sous : et c’est ainsi que, prenant chacun par son propre intérêt, nous forcerons la main à tout le monde.

Et si quelque écrivain passionné vient nous reprocher avec aigreur que nous sommes de mauvais citoyens, qui, par des gains peu délicats, coupons la bourse aux joueurs à la baisse, et la bretelle aux porteurs d’eau, nous rirons du premier reproche, et nous répondrons au second que, loin de nuire aux porteurs d’eau, l’établissement de nos fontaines rapprochées des divers quartiers assurera la subsistance d’un grand nombre de ces porteurs,