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LETTRES.

lontés ; i ■ ii homme à qui la cour fournit tout l’argent qu’il prodigue aux souscriptions qu’il ouvre : un charlatan enfin, qui, bien que catholique, est l’ami secret des protestants, et voudrait gâter l’orthodoxie de la chambre en y introduisant des hérétiques, etc., etc., quatre pages d’etc. et de bêtises ! Je vous sauve l’ennui du reste.

Agréez seulement, monsieur le comte, l’hommage de mon zèle pour le bien public ; il vous est dû à vousqui en êtes dévoré, qui le servez sans relâche à travers l’intrigue et 1rs obstacles, et qui vous occupez d’une bonne paix au milieu de la plus mauvaise guerre.

agréez aussi l’assurance de l’inviolable et très- I respectueux dévouement avec lequel je suis, Monsieur le comte,

Votre, etc.

LETTRE XXX

AU ROI.

.

L’auteur du Mariage de Figaro, désolé des impressions qu’on a cherché à donner à Votre Majesté contre un ouvrage qu’il avait destiné à l’amusement de la reine et au vôtre, Sire, a demandé touj s de nouveaux censeurs à M. Le Noir, chaque foisqu il s’est agi de mettre cet ouvrage au théâtre, afin d’opposer plusieurs approbations successives a toutes les imputations calomnieuses qu’on taisait à sa pièce : trois censeurs l’ont approuvée, et la réclament pour le théâtre.

Voulant justifier de plus en plus un ouvrage aussi injustement attaqué, l’auteur a supplié M. le baron do liretcuil de vouloir bien former une espèce de tribunal composé ’I académiciens français, de censeurs, de gens de lettres, d’hommes «lu monde, et de personnes de la cour aussi justes qu’éclairées, qui discuteraient en présence de ce ministre le principe, le fond, la forme et la diction de celte pièce, scène par scène, phrase par phrase, et mol par mot. M. le baron de Breteuil, quiadai--iii assister à ce dernier examen rigoureux, peut rendre compte a Votre Majesté de la docilité avec laquelle l’auteur, après avoir subi, sans se plaindre, toutes les corrections qu’il avait plu aux trois censeurs faire à sa pièce avant de l’approuver, a retranché de nouveau jusqu’aux moindres mots dont ce tribunal de décence el de goût a cru devoir exiger la suppression.

L’auteur a, de plus, prouvé à l’assemblée que sa pièce était tellement dans les grands et vrais principes du théâtre comique, qu’il faudrait aujourd’hui proscrire du spectacle plus de soixante pièces qui en font la gloire et le plaisir, si l’on s’opposait aux représentations de la sienne, plus remplie de saine critique et de vraie moralité qu’aucune de celles de ce genre qui se jouent aux Français.

L’ouvrage étant en cet état, l’auteur se joint aux acteurs pour supplier Votre Majesté d’en permettre la représentation.

Depuis longtemps les comédiens français sont privés d’ouvrages qui leur donnent de grandes recettes ; ils souffrent : et l’excessive curiosité du public sur le Mariage de Figaro semble leur promettre un heureux succès. Cependant l’auteur désire que la première représentation de cet ouvrage, qui attirera un grand concours, soit donnée au profit des pauvres de la capitale.

De Votre Majesté,

ÉPÎTRE DÉDICATOIRE

AUX PERSONNES TROMPÉES SUR MA PIÈCE, ET QUI N’ONT PAS VOULU LA VOIR.

Ô vous, que je ne nommerai point, cœurs généreux, esprits justes, à qui l’on a donné des préventions contre un ouvrage réfléchi, beaucoup plus gai qu’il n’est frivole ; soit que vous l’acceptiez ou non, je vous en fais l’hommage, et c’est tromper l’envie dans une de ses mesures. Si le hasard vous le fait lire, il la trompera dans une autre, en vous montrant quelle confiance est due à tant de rapports qu’on vous fait !

Un objet de pur agrément peut s’élever encore à l’honneur d’un plus grand mérite ; c’est de vous rappeler cette vérité de tous les temps : Qu'on connaît mal les hommes et les ouvrages, quand on les juge sur la foi d’autrui ; que les personnes surtout dont l’opinion est d’un grand poids s’exposent à glacer, sans le vouloir, ce qu’il fallait encourager, lorsqu’elles négligent de prendre pour base de leur jugement le seul conseil qui soit bien pur, celui de leurs propres lumières.

Ma résignation égale mon profond respect.

l’Auteur.

LETTRE XXXI

À MADAME MONTANSIER

Paris, le 10 mai 1784.

Je retrouve en vous, madame, ce que j’ai toujours remarqué chez les directeurs de troupes, ou dans les républiques de comédiens, qu’ils aiment leurs intérêts et ne les entendent guère.

Est-ce bien sérieusement que vous me demandez les moyens de faire jouer promptement le Mariage de Figaro sur le théâtre de Versailles ? Des personnes de très-bonne famille, dites-vous, désirent l’y voir au plus tôt. Mais comment ignorez-vous que des dames, de meilleure famille encore que celles que vous voudriez satisfaire, ont proscrit ce misérable ouvrage, et que, cédant à des insinuations