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vingt-septième, c’est pour réduire à six cent cinquante-trois livres les sept cent soixante-cinq livres dont ils vous gratifient par an, que l’on débat depuis six mois ! Cela passe ma conception.

Si j’ai rappelé tant de fois ce résultat comparatif, c’est pour mieux inculquer dans l’esprit de tous mes lecteurs que, sur des recettes immenses, vos prétentions, messieurs, ont toutes été si modérées, qu’on doit avoir bien de la peine à croire qu’elles aient été refusées.

Si l’on pouvait penser que cette obstination vînt de mauvaise volonté, il faudrait laisser là les comédiens français, comme des hommes très-malhonnêtes envers les auteurs dramatiques. Mais je jure, messieurs, et je m’en suis bien convaincu, que de leur part c’est ignorance pure, inquiétude sans objet. Je n’ai pu leur faire comprendre qu’ils jetaient des louis par la fenêtre en disputant sur des deniers ; que ce qui enlevait le huitième aux auteurs, vu le modique sort qu’ils avaient dans la part commune, n’était qu’un cent quatre-vingt-troisième à chaque comédien français ; que cette lésinerie (à peine cent louis) leur coûterait cent mille écus par an, et qu’elle finirait par ruiner leur théâtre. Ils m’ont dit qu’ils n’en croyaient rien ; mais que, quand cela devrait être, beaucoup d’eux aimaient mieux périr que d’en avoir le démenti. Là, j’ai rompu toutes les conférences.

D’après cela, messieurs, décidez maintenant si, comme aux grands théâtres, vous contentant du modeste septième, réduit par le calcul au modeste neuvième pendant quatre mois de l’année, qui n’est qu’un vingt-septième annuel, vous allouerez aux comédiens français sept cents livres de frais par jour, ou cent livres de plus, par des considérations personnelles, ou neuf cents livres qu’ils demandent, plus les frais extraordinaires, terme au-dessous duquel ils ont juré ne vouloir point descendre.

Une décision de vous est le seul but de ce rapport.

Lu dans l’assemblée des auteurs, ce 12 auguste 1791.

Caron de Beaumarchais, rapporteur.

Délibération prise à l’assemblée des auteurs dramatiques, au Louvre, ce 12 août 1791.

M. de Beaumarchais ayant fait le rapport du travail de MM. les auteurs nommés, qui, le 7 de ce mois, ont chez lui discuté avec MM. Molé, Desessarts, Dazincourt et Fleury, les intérêts des auteurs et ceux des comédiens ; ayant ensuite communiqué à l'assemblée un travail très-détaillé, très-clair et très-précis sur cet objet : la question dûment éclaircie et posée, pour savoir ce que les auteurs peuvent équitablement allouer de frais, tant ordinaires qu’extraordinaires, audit théâtre ; plusieurs votants ont été de l’avis que, par des considérations particulières aux comédiens français, il pouvait leur être accordé huit cents livres de frais par jour. Mais la grande majorité a dit que, d’après l’examen exact des dépenses de ce spectacle, il ne devait être accordé aux comédiens français que sept cents livres de frais par jour, et tous leurs soussignés se sont rangés à cet avis.

L’impression du rapport et de la délibération a été ordonnée ; et ont signé

MM. Ducis, de la Harpe, Marmontel, Sedaine, Lemierre, Cailhava, Chamfort, Brousse des Faucherets, Chénier, Palissot, Leblanc, Dubreuil, Lemierre d’Argis, Fillette-Loraux, Guillard, de Santerre, la Montagne, de Sade, des Fontaines, Pujoulx, Harni, Faur, Laujon, Dubuisson, André de Murville, Gudin de la Brenellerie, Cubières, Fenouillot de Falbaire, Mercier, Fallet, Dumaniant, Radet, Patrat, Grétry, Daleyrac, Lemoine, Forgeot, Caron de Beaumarchais.

Chaque théâtre ayant la liberté d’embrasser tout genre de spectacle, et ce délibéré ne portant que sur le partage entre le génie qui compose et tous les talents qui débitent, les auteurs de différents genres ont eu un droit égal d’émettre et de signer leur vœu. De même que nos poëtes tragiques ont donné des pièces chantées, de grand musiciens ont orné de leur art les chefs-d’œuvre de la tragédie ; témoin M. Gossec et ses beaux chœurs dans l’Athalie de Racine, et témoin plusieurs autres.

Cette note répond à l’objection futile : que MM. les comédiens français, ayant le droit de nous prendre un à un, ne reconnaissent point d’arrêté général des auteurs. Celui-ci n’engage que nous : permis à eux de n’en faire aucun cas. Il nous suffit à tous d’avoir bien instruit le public.


PÉTITION

À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

PAR CARON DE BEAUMARCHAIS

Contre l’usurpation des propriétaires des auteurs par des directeurs de spectacles, lue par l’auteur au comité d’instruction publique le 23 décembre 1791, et imprimée immédiatement après.

Jusqu’à présent les directeurs des troupes qui jouent la comédie dans les villes des départements du royaume n’ont opposé, au droit imprescriptible des auteurs dramatiques sur la propriété de leurs ouvrages, reconnu, assuré par deux décrets de l’Assemblée nationale constituante, et aux réclamations qu’ils n’ont cessé de faire contre leur usurpation, que des sophismes et des injures. Je vais, dédaignant les injures, réfuter les sophismes