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COMPTE RENDU.
à ceux qui m’invitaient d’aller chez vous examiner les réclamations de la Comédie que vous n’aviez pu avoir d’autre intention que de me fermer votre porte en me traitant aussi mal ; mais comme l’intérêt du Théâtre-Français me touche beaucoup plus que le mien, j’oublie volontiers ce dernier pour ne m’occuper que de l’autre ; et j’ai l’honneur de vous prévenir que je dois aller lundi, à onze heures, chez M. le maréchal de Duras, pour agiter de nouveau cette affaire. Si vous n’avez pas de répugnance à vous y rendre, j’aime mieux la traiter avec vous qu’avec tout autre, parce que, bornant ma prétention modeste au seul honneur d’avoir raison, plus mon adversaire aura de lumières, moins je craindrai d’être contredit par un faux ou fol argument, dont le privilège appartient aux comédiens.

« J’ai l’honneur d’être, avec toute la considération que vous m’avez refusée, etc.

Caron de Beaumarchais. »

M. Gerbier m’écrivit en réponse (2 juillet 1780) qu’il était trop accablé d’affaires pour pouvoir entrer dans aucun détail ni vérification de tout ce qui s’était passé. Il ajoutait : « Si je ne devais aux comédiens mes soins en qualité d’un de leurs conseils, je renoncerais tout à fait à me mêler d’une affaire dont il n’aurait jamais dû être question, après l’accord que j’étais parvenu à conclure à la satisfaction de MM. les auteurs. »

Ainsi Me  Gerbier refusait un éclaircissement dont je m’étais bien douté qu’il n’avait pas besoin. Cependant il avait un mémoire tout prêt pour les comédiens ; et, malgré ce qu’on vient de lire dans sa lettre, il avait cependant minuté un troisième arrêt du conseil, destructeur du second, et fait sur le plan du premier, qu’on n’avait pas osé soutenir.

Cependant les comédiens, d’accord avec Me  Gerbier, écrivaient à MM. Saurin et Marmontel, mes confrères, et non à moi, qu’ils avaient ordre de M. le maréchal de Duras de les prier de se trouver lundi chez M Gerbier, pour travailler à cette affaire.

Poussés ainsi à bout, la Comédie et son conseil fuyaient tant qu’ils pouvaient la clarté que je versais journellement sur leur intrigue; ei,,lans l’espoir de séduire ou de tromper deux des commissaires des auteurs qui n’avaient pas sui i leurs démarches aussi sévèrement, ils les invitaient seuls, sans M. Sedaine et sans moi, a une assemblée chez Me  Gerbier ; ils compromettaient M. le maréchal de Duras, en abusant de son nom pour m’exclure ; et Me  Gerbier, qui n’avait le temps de se mêler de rien, se mêlait de tout ; et l’affaire dont par sa lettre il refusait de s’occuper en ma présence le lundi, chez M. le maréchal de Duras, il se proposait de la terminer en mon absence le même lundi !

Et pour qu’on ne croie pas que j’en impose sur
les petites menées des comédiens, voici leur lettre du 6 juillet 1780, à M. de Marmontel :
« Monsieur,

Monseigneur le maréchal de Duras ayant témoigné à la Comédie qu’il désirait qu’elle pût se concilier avec MM. les auteurs, et vous ayant indiqué avec M. Saurin comme devant être les représentants de MM. les auteurs dans cette conciliation, la Comédie a saisi avec empressement ce moyen de rapprochement ; et, par sa délibération de dimanche dernier, en acceptant la négociation projetée, elle a ajouté la proposition d’un troisième auteur (M. Bret), pour départager les deux autres en cas de division dans les avis.

D’après cette délibération, MM. du conseil (c’est-à-dire Me  Gerbier) m’ont chargé d’avoir l’honneur de vous proposer une première assemblée lundi, à midi, chez Me  Gerbier, quai Malaquais. Je vous prie, monsieur, de me faire savoir si ce jour et l’heure vous conviennent, pour que » j’avertisse tous ceux qui doivent se trouver à cette assemblée.

J’ai l’honneur d’être avec respect,
Monsieur, votre, etc.
De la Porte,
secrétaire de la Comédie française. »

Mes collègues, étonnés d’une invitation qu’on avait eu grand soin de me cacher, se transportèrent chez M. le maréchal de Duras ce, jour même, pour s’expliquer sur cette nouvelle intrigue de la Comédie.

Personne, lui disent-ils, ne sait mieux que vous, monsieur le maréchal, que les travaux et tous les cette affaire ont été confiés à M. de Beaumarchais conjointement avec nous, qu’il a toutes les pièces du procès entre les mains, et qu’il n’est ni décent ni possible qu’aucun de nous accepte une assemblée où M. de Beaumarchais ne soit pas appelé.

M. le maréchal de Duras leur répond qu’il n’a nulle connaissance de la lettre ni de la malhonnêteté des comédiens ; qu’il désapprouve infiniment leur conduite à mon égard, et que cet abus de son nom est une audace dont il doit se ressentir ; que, loin d’écarter M. de Beaumarchais de la suite de cette affaire, qu’il traitait depuis trois ans avec lui, il se disposait au contraire à lui écrire, et à l’inviter à la seule assemblée dont il fût question, pour le vendredi d’ensuite, chez M. le maréchal de Richelieu, où l’on tâcherait de rapprocher les esprits et les intérêts de tout le monde.

M. de Marmontel répondit en ces mots à la lettre du secrétaire de la Comédie :


7 juillet.

« Je viens, monsieur, d’avoir l’honneur de voir