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porte alors que les comédiens manquent de sagesse ou d’équité, si leurs supérieurs en sont suffisamment pourvus ? Que font au règlement des auteurs les tracasseries des actrices, si l’on veut bien ne pas confondre un objet grave avec des minuties, et donner à l’affaire des gens de lettres quelques-uns des moments trop prodigués peut-être à régler la préséance entre ces dames ?

« L’usage que je fais de mes honoraires d’auteur en faveur des pauvres montre assez, que ceci n’est pas une combinaison d’écus, mais un moyen forcé, à défaut de tout autre, de constater enfin les droits des auteurs, dont les reproches m’affligent et me fatiguent, autant que leur confiance m’avait d’abord honoré.

« D’ailleurs, quand je ne mettrais aucune importance personnelle à cette décision, est-il possible, monsieur le maréchal, que vous n’y en mettiez pas vous-même ? et n’ai-je pas dû penser « qu’en me présentant à M. le maréchal de Duras, « très-grand seigneur, gentilhomme de la chambre c< du roi, académicien français ; de plus, institué (i supérieur du spectacle national, pour en main11 tenir la splendeur el redresser les griefs qui len(i denl aie dégrader : n’ai-je pas dû penser, dis-je, que je lui faisais ma cour de la manière la plus « flatteuse, en le priant de vouloir bien être l’arbitre d’une querelle aussi intéressante aux gens de lettres qu’utile à la Comédie, qu’il est bon n quelquefois de séparer des comédiens ? « Quel temps donc, monsieur le maréchal, n croyez-vous plus propre à régler les droits des « auteurs, que celui où les dissensions intérieures n du spectacle obligent l’autorité de s’occuper du « spectacle ? Espérez-vous qu’il y ait jaunis un i intervalle sans querelle à la Comédie, tel que les « trois ans qu’on a consumés à nous fain « une justice que nous n’avons pas obtenue ? Car « il est bien clair que, se.it avec int mtion, ou malci heureusement, ou par hasard, nous sommes arrêtés depuis trois ans sur un objel de règlemenl « qui, franchement accueilli par vous, monsieur « le maréchal, n’aurait pas dû nous occupée trois « semaines.

» 11 esl bien clair encore que M. 1e maréchal de Richelieu va nous renvoyer vers vous, qui nous « renvoyez vers lui, lorsqu’il aura fait ses observalions. Pour peu qu’il faille après revenir enn coreà consulter les comédiens, dont on sait déjà « que l’avis est de tout garder, puisqu’ils ont « tout usurpé ; pour peu qu’on Hotte encore une « autre couple d’années entre nos demandes et ■I leurs objections ; pour peu surtout que le système de démissions, dont les comédiens nieiia(i cenl eu toute occasion de taire usage, soit mis u par eux en avant contre nos demandes à défaut ci de bonne réponse, pouvez-vous nous dire, monsieur le maréchal, ce que nous devons faire « alors, et à qui nous devons nous adresser ? u Puis donc que l’autorité’des supérieurs de la c< Comédie est sans pouvoir sur les comédiens, ne u vaudrait-il pas mieux, monsieur le maréi liai. laisser décider la question des droits des auteurs " aux tribunaux chargés de veiller sur les propriétés des citoyens ? car ne pas l’aire justice, et (i trouver mauvais qu’on la demande ailleurs, est » une idée qui soulèverail tous les bons esprits. • Je vous supplie, monsieur le maréchal, au ’i nom de tous les auteurs dramatiques, au nom i’du public, mécontent de l’appauvrissemi ni gé(i néral du Théâtre-Français, di vouloir bien peser ii la force de mes représentations. Certainement n on ne peiii disconvenir que ce théâtre ne soit ci aujourd’hui tombé dans le pire état possible ; et » que le plu— diocre théâtre de province, toute « proportion gardée, avec un chétif directeur, et « point d’autre loi que son intérêt, ne marche u mieux et ne contente plus le public que la Comédie française, le spectacle par excellence, .i ayant à sa tête, pour directeurs, quatre hommes ii de qualité puissants, constitues dans les plus » hautes dignités, donl deux soni de l’Académie ce française:ce qui suppose, outre le mérite acaii demique, un grand amour du théâtre et des « belles-lettres.

ci 11 y a donc un ice, ou dans la constitution « ou dans l’administration de ce spectacle; et quand nous vous proposons des moyens sûrs de .1 ranimer l’émulation des auteurs el des acteurs, ci nous voyons avec chagrin que les plus faibles ci considérations, qu’une crainte frivole, une panici que terreur que les gens de lettres ne tendent ci sourdemenl à domine r l’autorité de— gentilsci hommes de la chambre sur le spectacle, esl le ci vrai motif qui les empêche de prêter la main à nos demandes légitimes.

« Mais puisq’esl à vous, monsieur le maréci chai, que i s nous adressons, nous sommes « donc bien éloignés de contester votre supréma-’i lie au spectacle. Nous, vouloir tout domini r sur « la Comédie ! Que Dieu préserve tout homme sage " d’avoir une idée aussi contraire à son repos ! Et si •■ toul le pouvoir et les lumières réunies de quatre .. des plus grands seigneurs du royaume, absoluci ment maîtres en cette partie, ne peuvent réprimer la déplorable anarchie qui désole et détruit le c Théâtre-Français, comment les gens de lettres, .1 qui n’ont seulement pas le crédit d’obtenir jusci lice pour eux-mêmes, peuvent-ils être soupçonnés » d’attenter à une autorité qu’ils n’ont cesse d’in.i voquer jusqu à ce jour ?

u D’après ces observations, j’aurai l’honneur de .1 voir M. le maréchal de Richelieu, comme vous u m’y invitez ; mais, si cette tentative ne me réusci sissail pas plus que les précédentes, pourriezci vous trouver mauvais que je fisse assigner les .i comédiens à me rendre en justice un compte « exact et rigoureux, qui mettrait dans le plus