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tuel pouvoir de se contenir et de s’obliger alternativement.

N’oublions pas surtout qu’entre ces deux corps, si les rangs diffèrent, les intérêts sont les mêmes ; et que si la supériorité appartient de droit aux auteurs, ils ne doivent jamais s’en souvenir, à moins que les comédiens ne l’oublient.

Toutes les idées de détails ou secondaires du nouveau règlement me paraissent devoir découler de ces idées primitives, de ce principe également doux et fort, de toujours balancer une influence par une autre, et d’engager les comédiens, qui sont les premiers à juger du talent des auteurs, à bien servir ceux qui deviendront à leur tour les soutiens de leur fortune et les arbitres de leur avancement.

Si ces vues générales vous semblent propres, messieurs, à fonder solidement le nouvel édifice du théâtre, unissons-nous pour travailler à leur accomplissement : tous les intérêts se réunissent ici.

1o L’intérêt de l’État est de faire fleurir un art à qui la langue française a l’obligation d’être devenue celle de toute l’Europe, et qui, mettant notre théâtre au premier rang, attire à Paris le concours d’étrangers que nous y voyons ; un art surtout qui, en s’épurant, a rendu la fréquentation du spectacle essentielle à l’éducation, et a fait du Théâtre-Français une espèce de code moral, où la jeunesse apprend à se conduire et à connaître les hommes ;

2o L’intérêt du public est d’entendre et de voir commodément de bonnes pièces bien représentées ;

3o L’intérêt des auteurs est de recueillir la gloire et le fruit que leurs travaux méritent ;

4o L’intérêt des comédiens est que leurs efforts et leurs talents soient applaudis et récompensés ;

5o Enfin, l’intérêt commun est de diminuer la dépense et d’augmenter la recette. Mais, pour mettre de justes bornes à ces objets, la satisfaction du public est la boussole qu’il faut toujours consulter.

Nous diviserons donc en autant d’articles séparés tout ce qui se rapporte à chacun de ces divers intérêts ; et, conservant ce qu’il y a de bon dans les anciens règlements, nous tâcherons seulement d’y ajouter ce qui nous paraît y manquer, et de faire porter l’édifice entier du théâtre sur des bases plus solides que par le passé.

Nous déférerons sur la totalité de nos travaux, d’abord à vous, messieurs, en première instance ; ensuite à MM. les premiers gentilshommes de la chambre. De là ce travail passera sous les yeux du conseil du roi, pour y prendre un caractère auguste émané du législateur même, et viendra ensuite dans le parlement recevoir la sanction publique, qui rend toute loi immuable et nationale.

Tel est notre plan, messieurs ; telles sont les vues équitables et modérées que nous avons crues les plus propres à rétablir l’ordre et la paix entre le corps des auteurs et celui des comédiens, dont les talents doivent toujours être réunis pour concourir au bien du Théâtre-Français.

Les articles suivaient ce préambule. Ils furent soumis en cet état, le 8 octobre 1777, à M. le maréchal de Duras, qui voulut bien (le 12 novembre suivant) donner sur ce projet ses observ ; I quatre pages écrites de sa main : nous les avons. Ensuite le travail passa dans les mains de M. le maréchal de Richelieu, qui lit lé même honneur à nos articles : nous avons aussi ses remarques ; et ce fut sur les observations de ces deux supérieurs des ce Idiens que nous corrigeâmes les articles à leur satisfaction, ainsi qu’on peut le voir en confrontant les remarques et les corrections. M. le maréchal de Duras nous envoya depuis, liar M. des Ëntellcs, de nouvelles observation lesquelles nous réformâmes encore lesarl ii réformés.

’font semblait être fini et arrêté, lorsque le 10 novembre.M. le maréchal de Duras, qui dans l’origine avait résolu de refondre la Comédie d’autorité, désira que tous les articles du règlement fussent montrés aux comédiens, mais absolument dépouillés des motifs qui les avaient fait adopter. Quoique ce nouveau plan nous parût aller contre L’objet même du règlement les motifs n’y étant joints que pour en démontrer l’esprit de justice, il fut arrêté dans l’assemblée des auteurs, le IS janvier 1778, qu’en reconnaissance de la bonne volonté de M. le maréchal, on déférerait en tout à son avis, et que les articles seuls du règlement lui seraient remis sans préambule, en le suppliant pourtant d’avoir égard à six mois de travaux qui se trouveraient perdus, s’il arrivait que les comédiens eussent le crédit de s’opposer à l’exécution du règlement. Nous fûmes rassurés par la réponse de M. le maréchal, pleine de force et de justesse ; et nous lui laissâmes le règlement, en le priant de vouloir bien accélérer la décision. Il nous le pr il. Mais le o avril 1778, cinq mois après cette conférence, ol près d’un au après l’adoption des idées de M. le maréchal de Duras, les auteurs, n’entendant plus parler de rien, exigèrent de leurs commissaires (avec un peu d’humeur de ce qu’ils nommaient notre excès de confiant) de les rappeler au souvenir de M. le maréchal ; ce que je fis par la lettre suivante, datée du S avril 1778. » Monsieur le ! l uikchal,

« Vous aviez eu la bonté de nous promettre de vous occuper efficacement et promptement de la réforme de la Comédie et du règlement qui touche les auteurs. Cependant neuf mois sont écoulés depuis qu’on y travaille, et nous n’avançons pas. Mes amis se plaignent à moi de toutes ces lenteurs ; et peu s’en faut qu’ils ne se plai-