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tique, le droit des gens et du commerce en la personne d’un négociant français, et d’une manière si outrageuse !

• Mais avant de porter mes plaintes éclatantes au tribunal de l’Europe entière contre ceux dont j’ai à me plaindre, j’ai voulu que tous intérêts d’argent de qui a traité avec moi fussent absolument soldes, afin qu’on n’eût aucun prétexte a m’opposer qui pût excuser tant d’horreurs. « En conséquence, monsieur (et ceci vous est étranger), j’ai commencé par payer toutes les primes que chacun s’est permis de s’adjuger sur un marché où personne que vous et moi n’a sorti de sa poche un florin, pas un sou. h Je vous ai fait payer à vous non-seulement le capital des armes, mais tous les frais de caisses, de raccommodages de fusils, ceux même de justice, dont vous ne m’avez fait donner le compte qu’après coup. Restent ceux très-considérables du cautionnement exigé ; enfin tout ce qu’il vous a plu m’imposer pour vous débarrasser vous-même. « Mais après tant de sacrifices faits pour me mettre en état de tenir mes engagements envers nos îles du golfe qui attendent ces armes, et à qui notre gouvernement n’eut pas mauqué d’en envoyer des siennes, s’il n’eût pas cru devoir compter sur mon honneur et sur la foi de mes paroles, je me crois en droit de crier hautement à la vexation, ut demi 1 plaindn ouvertement du gouvernement hollandais, puis de M. la Haye et de vous, dont pas un n’a daigné dire un mot ni faire une démarche pour obtenir la levée de l’indigne embargo qu’on a mis sur mes cargaisons dans un pays qui ne fleurit que par la liberté du commerce, et qui ne rougit pas de gêner dans ses ports celui des autres nations.

« .Non. vous n’agissez pas avec moi en honorable négociant, monsieur, en ne faisant aucun effort pour me faire rendre une justice que je n’aurais cessé de réclamer ici pour vous, si notre gouvernement eût été assez lâche pour vous en faire une pareille, et que vous m’en eussiez prié ! Les négociants, monsieur, ont des principes plus nobles que les faiseurs de politique. Eux seuls enrichissent les États, réparent,. lorsqu’ils sont loyaux, tout le mal que font les puissances, qui ne savent rien qu’asservir, tout gêner et tout engloutir. Que l’on s’éiic après si les peuples, indignés </• v i •, , , sous un pareil joug, font des efforts aussi terribles pour essayer de s’y soustraire !

« Mais laissons là tous les maux des nations, pour nous renfermer vous et moi dans ceux qui nous sont personnels. Vous êtes payé par moi, monsieur, et vous ne m’aidez point à faire partir les marchandises quej’ai loyalement soldées ! vila tous mes griefs et mes sujets de plainte. Vous êtes trop fin négociant, homme trop éclairé, monsieur, pour ne pas être frappé de la justice de mes reproches.

« Recevez les salutations d’un homme blessé jusqu’au vif, et qui le signe ouverti Sigm Caron Beaumarchais. ■

M. Osy, messieurs, dis-je à nos deux ministres, après m’avoir écrit que nous marchons d’accord sur le reste et les irai— que qous devons régler, finit sa lettre par ces mots, aussi insignifiants que s’il était grand politique :

■le crois le mieux, monsieur, de ne pas répondre sur les traits lances contre moi dans votre lettre. Je me bornerai à vous dire que si je peux vous être utile, je serai toujours charmé de vous prouver la considération parfaite avec laquelle j’ai l’honneur de me dire, monsieur, votre, etc. « Osy de Zéquewart

« Rotterdam, 23 août 1702. »

M. Claviêre se leva, et sortit sans dire un seul mot. M. Lebrun me dit : M. Claviêre a des soupçons ; el c’esl a vous, monsieur, à les détruire. Comment depuis cinq mois ces fusils n’arrivent-ils pas ? — Et c’esl "its, monsieur Lebrun, qui me le demandez, quand vous faites tout le contraire de ce qu’il foui pour qu’ils arrivent ; quand, retenant notre cautionnement, vous n’accordez aucun appui à M. de Maulde en ses efforts ! Vous connaissez son écriture: voyez ce qu’il m’écrit. » Je fouille dans mon portefeuille. — C’est bien elle, dit-il; il lit: « Vous ne doutez pas, monsieur, de toute mon activité, de tout mon zèle… Eh bien ! monsieur, je vais vous parler le seul langage digne de vous et de moi, la vérité.

« Ce gouvernement ennemi est décidé d’être injuste envers nous tant qu’il pourra l’être im-PUNÉMENT, et les circonstances ne prêtenl que trop à sa duplicité. En conséquence, ils sont décidés A NE l’AS ACCORDER L’EXPORTATION DE VOS ARMES. (Entendez-vous, monsieur Lebrun, qui feigniez </■ tout ignorer sur la nature des obstacles qui nous rci nai ut ces fusils, et’/m avez lu cetti lettn et i ingt autres d. M. de Maulde à vous, sans jamais y avoir répondu ! Je ne vois qu’un parti à prendre, celui de diviser l’objet entre plusieurs négociants et de prendre avec eux des lettres de garantie, etc. Alors vous pourrez être sur de l’expédition, puisque les négociants hollandais ne cessent d’en obtenir pour leur compte. Voilà le moyen indiqué par les circonstances. M. Durand voudra bien me suppléer pour l’analyse; mais permettez-moi de vous ajouter que vous ne devez pas compromettre plus louptemps vos intérêts. Vous voudrez bien raisonner de ceci avec M. de la Hogue, dont i.’arsence devient BIEN LONGUE, etC.

(M. de Maulde avait bien raison de s’en plaindre. Pendant cinq mois laHoguene lui rapporta aucune réponse, ni personne. les fabricateurs d’assignats fui’ut a mis i h liberté, et leur empoisonnement a re-