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tres le seront bien parvenues : tu y auras vu que des affaires instantes ont engagé mon frère à me presser de venir à Paris ; j’y ai satisfait, quoique cela m’ait contrarié, et j’y suis arrivé hier. Je suis extrêmement occupé de différents objets ; je ne m’arrêterai cependant que peu de jours, pour prendre la route de Bâle, où je ne tarderai pas d’arriver. Je suis singulièrement fatigué de toutes ces courses ; le temps me presse, et il ne me reste que celui de te réitérer que je suis toujours, avec les sentiments que tu me connais.

« G. K.

« Mes compliments à ta famille. »

Le bon mari n’écrivit plus : sous huit jours il était à Bâle, d’où il amena sa femme à Paris : car son ami daudet l’attendait dans la capitale.

Ainsi cinq lettres seulement, bien courtes et bien comptées, pendant cinquante-quatre jours d’absence : trente-six dans son voyage à Spa, et dix-huit jours après l’avoir menée à Bâle. Il était déjà clair pour nous qu’on n’écrit pas deux cents lettres en cinquante-quatre jours, écrivît-on à une maîtresse : jugez donc quand c’est à sa femme, que l’on croit maîtresse d’un autre.

Dans ces cinq lettres bien prouvées, on voit que cet époux, qui se donne pour si sévère dans ces deux cents prétendues lettres, n’était qu’un plat mari, honteux de sa très-honteuse conduite. On sent toujours son embarras : deux mots par décence, et c’est tout. On voit qu’il a peur d’en trop dire, car des lettres sont des témoins, Quand il peut s’excuser d’écrire, il saisit le moindre prétexte. Un jour il est trop fatigué ; un autre, il écrira demain ; un autre jour, le temps le presse, il n’a pas un moment à lui. Dans sa lettre de Spa du 27 juillet, honteux même de ne pas répondre aux explications que sa femme lui demande : Je ne répliquerai rien, dit-il, à tout le reste de ta lettre, parce que nous nous sommes suffisamment expliqués là-dessus. C’est l’épouse ici qui reproche, et l’époux qui fait le plongeon ; et cependant voyez toutes ses lettres des mêmes dates à son ami Daudet, comme elles sont chaudes, vives et pleines ! le cœur abonde en sentiment ; plusieurs ont trois ou quatre pages.

À ces cinq lettres bien comptées (et c’est le compte du mari, à cent quatre-vingt-quinze près), il est inutile d’ajouter son commentaire sur sa lettre scabreuse à sa femme, du 14 septembre, où il dit : « Fais mille compliments à Daudet, si tu le vois, car je suppose qu’il pourrait bien dans ses petits voyages avoir l’attention de te faire une petite à Bâle, sur les désordres de sa femme, il a chassé t. visite ; je lui écrirai demain. » Cette lettre est le corrupteur à si m arrivée à Paris, et n’a pasdiffàcheuse ; on voudrait pourtant l’expliquer, car foré d’un jour ; et vous le croyez d’autant plus, que M. Kornman est d’avis qu’en pareil cas il vaut ce mari, dans son second libelle, élablil ainsi —a mieux dire une sottise que de ne point parler du conduite : tout. Le précepteur Bergasse nous semble aussi de ■< De retour à Paris, connaissanl enfin l’intriavi . Or voyons comment ils s’en tirent (p. 24 « gant auquel j’ai affaire, je fais sentir au sieur du 2 e libelle) : Il Daudet) m’avait écrit qu’en 11 effet, devant aller dans le voisinage de Bâle il ci se proposait de lui faire une seule visite. » Il avait écrit une seule ? Montrez-nous donc la lettre où il restreint son attention pour votre femme à ne lui faire qu’une seule visite à Bâle.’Ce style est —1 probable dans l’hypothèse que vous posez, qu’on est très-curieux de la lire. « Or je ne croyais pas (ajoute l’ingénu mari, ajoute le bon précepteur -que cette visite fût bien dangereuse, la « dame Kornman étantaveeses curants, au milieu ti des siens. »

Au milieu des sien ;, dites-vous ! c’élait là le molifde voire sécurité ! Eh ! mais, monsieur, oubliez-vous qu’elle était logée n l’auberge où vous l’aviez mise vous-même, et non chez l’un de ses parents ? N’avez-vous donc pas imprimé (p. 10 du l" libelle) : « Je n’eus pas besoin en arrivant (à Bâle) de faire de grandes informations sur la conc ihiite de la dame Kornman : à peine fus je di (i cemlll DANS L’AUBERGE Où ELLE LOGEAIT, qil’oil c m’apprit que le sieur Daudet y était venu plusieurs fois de Strasbourg, qu’il y avait pa i di ci NUITS AVEC ELLE. •’Or, ipi.’lllil VOUS invitiez cet ami d’avoir l’attention pour (mis trois d’aller la visiter à Bâle, il est donc vrai, monsieur, que, loin il 1 Ire chez ses parents ;, elle était logée à l’auberge où vous l’aviez mise vous-même, où chacun a droit de descendre, de passer le temps qu’il lui plaît ! Vous auriez bien pu vous douter que dans ces logements publics on n’a jamais de surveillants : ces visites, qui, dites-vous, ne vous semblaient pas dangereuses, devaient donc au contraire vous le sembler beaucoup, surtout de la part d’un galant tel que celui que vous peignez. Cependant vous l’aviez invité d’avoir l’attention d’y aller ! vous a Me/ en ai a votre femme que vous supposiez qu’il n’y manquerait pas ! Êtes-vous pris dans votre piège ? lâche époux, il agent. et miserai 1 raisonneurs !

Tous mes amis se réunissent pour me prescrire le [on grave. Mais peut-on se refuser au léger —eu rire du dédain en voyant la bassesse trompée et l’embarras d’un hj pointe époux qui, malgré le ton prédicant d’un défenseur plus hypocrite encore, ne peut plus prononcer un mot sans dévoiler sa turpitude ? Il nous rappelle un charlatan connu, voulant toujours vendre sa femme, et toujours prêt à être en fureur contre qui l’aurait escroquée. Achevons le portrait du nôtre.

Enfin vous croiriez, à l’entendre, qu’après tous les renseignements reçus à Paris, à Strasbourg et