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précédées, et je ne répéterai pas ici ce que j’ai dit ailleurs. J’appliquerai seulement avec rapidité quelques remarques sur ce qui, étant nouvellement objecté, n’a pu être répondu nulle part.

Vous dites, monsieur le comte (page 3 du mémoire fait par vous ou pour vous), que j’ai présenté le sieur Dupont, exécuteur testamentaire de M. Duverney, comme favorisant mes prétentions, pendant qu’il est, selon vous, votre meilleur ami. Mais je n’ai pas dit un mot de tout cela dans mon mémoire. J’ai prouvé que vous écartiez avec soin du grand-oncle tout ce qui vous semblait nuisible à vos intérêts. À la suite de beaucoup de faits, j’ai cité celui de l’exécuteur testamentaire, parce qu’en effet il y avait plus d’un an que la porte de M. Duverney lui était fermée par votre intrigue, et que je le savais très-bien, lorsque ce dernier mourut. Je dis un fait avéré, je dis un fait très grave, et vous répondez à cela : Dupont mon ami !

J’ai cité ma lettre et la réponse de cet exécuteur, pour prouver ce que j’avançais, pour prouver surtout dans quelles dispositions affreuses vous étiez à mon égard, avant que vous eussiez l’air de savoir un mot de mes prétentions, et vous répondez à tout cela : Dupont, mon ami ! comme si je vous contestais que le sieur Dupont fût devenu votre ami, c’est-à-dire mon ennemi.

J’ai dit ce qui fut écrit alors. J’ai cité ce mot frappant de sa réponse ; Je connais tout le mal qu’on a voulu me faire. Je vous ai fait grâce, en morcelant sa lettre, du doute raisonnable où il était alors et où il aurait dû se tenir, de ce doute qui lui faisait écrire, en parlant de M.  Duverney : S’il en a dit quelque chose à son légataire, ou celui-ci ne dit pas vrai, ou il lui en a parlé, etc. Et cette lettre que vous me reprochez d’avoir tronquée, vous savez que je l’ai déposée entière dans les mains de M. le rapporteur ; et pour égarer totalement la question, vous répondez à tout cela : Dupont mon ami ! Quel rapport peut-il y avoir entre l’amitié qui existe entre vous deux aujourd’hui, et les choses sérieuses que j’ai imprimées ?

J’ai dit que le sieur Dupont était un homme prudent et circonspect, qui voyait froidement alors ; j’ai rapporté à l’appui cette phrase de sa lettre : Je connais assez les affaires qu’il vous laisse à démêler avec son héritier pour que je ne veuille pas y jouer un rôle. J’ai avoué de bonne foi le refus qu’il me fit de se rendre conciliateur : ce qui ne montre cet exécuteur dans aucun jour qui me soit plus favorable qu’à vous ; j’en dis seulement un mot qui tient à mon affaire, et je le laisse où je l’ai pris. Et vous venez faire gémir toutes les presses de la ville pour répondre oiseusement à cela : Dupont mon ami !! C’était bien la peine d’écrire !

(Page 12.) Vous me reprochez de citer un notaire qui est mort. Eh ! mais, il était vivant quand M. Duverney lui fit passer cet acte en brevet ; il était son notaire d’habitude ; il avait eu le dépôt de la charge de grand-maître ; il avait fait les contrats de celle de secrétaire du roi ; il fit enfin le brevet viager de six mille livres de rente. Et parce que vous me plaidez dix ans de suite, vous prétendez que je serai tenu de conserver tous les témoins sains et vifs. Ce notaire a fini comme nos deux avocats, parce que vous ne finissez pas, vous. Ce notaire était vieux, il a fini par force de durer, comme toutes choses mondaines ; et vous ne cessez pas de vous rouler dans la poussière du Palais, et de blanchir un officier de guerre au service de la chicane. Certes, je ne disputerais point de vos plaisirs, si vous ne m’en faisiez pas supporter le chagrin et l’ennui. Mais ce notaire valait-il la peine d’écrire ?

Vous dites (page 16) que je ne devais pas vous appeler l’héritier de M. Duverney, parce que vous n’êtes que son légataire. S'il eût été question des vertus de ce grand citoyen, j’y aurais en effet regardé de plus près ; mais, ma foi, pour de l’argent, c’était peu de chose. D’ailleurs, si c’est un faux, vous l’avez commis vous-même, en disant, page 50 de votre consultation de Paris : « D’où aurait-il donc su que M. Duverney faisait le comte de la Blache son héritier ? Confie-t-on à des étrangers le secret de ses dernières dispositions ?

Or, si le secret des dernières dispositions de ce testateur était, selon vous-même, de vous faire son héritier, pourquoi cette expression serait-elle plutôt un faux dans ma bouche que dans la vôtre ? Cela valait-il la peine de priver toute la ville de ses presses pendant dix jours ? Et l’on appelle cela des défenses !

Vous dites (page 30, au bas) que ma lettre du 11 octobre 1769 porte ces mots : J’arrive de Touraine pour mes affaires ; et ma lettre du 11 octobre, que vous avez imprimée dans ce mémoire (à la page 26), où je vous renvoie expressément, ne dit pas un mot de cela. Il faudrait au moins masquer votre grosse duplicité par un peu plus de finesse, monsieur le comte !

Je vous reproche dans ma Réponse ingénue d’avoir dit partout que M. Duverney n’avait ni chagrin ni infirmité lorsqu’il est mort le 17 juillet 1770 ; je vous y fais une grande honte de cette dure ineptie ; et maintenant vous convenez (page 54) qu’il avait, au temps de sa mort, de grands tracas sur cette École militaire. Avais-je dit autre chose ? Ce n’est pas ainsi que vous me battrez avec mes propres paroles, je vous en avertis : autant vaudrait ne rien répondre que de nous répondre des riens.

Vous dites spirituellement (page 59) que j’ai trompé la confiance de mon ami en ne brûlant pas ses lettres mystérieuses. Eh bien ! tâchez de trouver dans les débris du commerce que je produis au procès un seul mot qui commette les se-