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qui s’était passé, de peur de nuire à mon futur beau-frère.

Je me rendis chez ce ministre ; il me reçut avec bonté, lut la lettre de Clavijo, donna son consentement au mariage, et souhaita toute sorte de bonheur à ma sœur, en remarquant seulement que don Joseph Clavijo eût pu m’épargner le voyage, la forme usitée en pareil cas étant d’écrire au ministre. Je rejetai tout sur l’empressement que j’avais montré moi-même de venir lui faire ma cour avant le temps où je le prierais de m’hononer de quelques audiences pour l’entretenir d’objets très-importants.

À mon retour à Madrid, je trouvai chez moi la lettre suivante du seigneur Clavijo : UN DE LA. LETTRE DONT j’Ai L’ORIGINAL. c Voici, monsieur, l’indigne billet qui s’est « répandu dans le public, tant à la cour qu’à la » ville : mon honneur y est outragé de la manière « la plus sanglante, et je n’ose pas voir même la « lumière, tandis qu’on aura de si basses idées de mon caractère et de mon honneur. Je vous prie, monsieur, très-instamment de faire voir le billet » que i ai signé, el d’en donner des copies. En ’■ attendant que le monde se désabuse, pendant « quelques jours il n’t st pas convenable de nous i oir : « au contraire, cela pourrait produire un mauvais < effet, el l’on croirait que ce malheureux papier - est le véritable, et que celui qui paraîtrait à sa « place n’était qu’une composition faite après ii coup. Imaginez, monsieur, dans quelle désola-’ tion doit me mettre un pareil outrage, et croyezmoi, monsieur, votre, etc.

« Signé Clavijo. »

Il avait joint à sa lettre une déclaration fausse, gigantesque, abominable, et qui était tout entière de son écriture.

Je pris un peu d’humeur de la conclusion que tirait Clavijo de cet indigne papier. Je courus lui en faire les plus tendres reproches ; je le trouvai couché. Partie de ses effets étant restéi i lu i M. Portugucs, je lui envoyai sur-le-champ du linge espèce à changer, et, pour le consoler du chagrin où i el éi ril fabriqué paraissait le plonger, je lui promis qu à son rétablissement je le mènerais parloul avec moi comme n frère el comme un homme honorable, en l’assuranl que je voyais dans les dispositions de tout le mon, le qu’on se plairail à m en croire .1 ma parole. Nous convînmes de tous les préparatifs du mariage de ma sœur, el le lendemain plusieurs de ses amis nie èrent, à son invitation, chez le grand vicaire, chez, le notaire apostolique, etc. je 1 ivins chez lui très-contenl : ■■ .Mon ■ ami, lui dis-je en l’embrassant, l’étal où nous sommes à I éj ard l un de l’autre me permet de " prendre quelques libertés avec vous : si vous « n’êtes pas en argent comptant, vous ferez forl n bien d’accepter ma bourse, dans laquelle j’ai - mis cent quadruples cordonnées et autre- pièces « d’or, le tout valant environ neuf mille livres u argent de France, sur quoi vous enverrez vingt-cinq quadruples a ma sœur pour avoir des «rubans ; el voici des bijoux et des dentelles de « France : si vous voulez lui en faire présent, elle « les recevra de votre main plus agréablement « encore que de la mienne. »

Mon ami accepta les bijoux et dentelles, ayant delà peine à croire, dit-il, qu’on en trouvât d’aussi bon goût à Madrid ; mais, quelques instances que je lui fisse, il refusa l’argent que je remportai. Le lendemain, jour de l’Ascension, un valet métis ou quart d’Espagnol indien que j’avais pris à Bayonne, et qui la veille avait été me chercher de l’or cordonné chez mon banquier, me vola mes cent quadruples, ma bourse, toutes les pièces d’argenterie de mon nécessaire qui n’étaient pas apparentes, un carton de dentelles cà mon usage, tous mes bas de soie et quelques vestes d’i d’or, le tout valant à peu près quinze mille francs, et prit la fuite.

Je fus sur-le-champ chez le commandant de Madrid faire ma plainte, et je demeurai un peu surpris de l’air glace dont elle fut accueillie. On sera moins étonne dans un moment que je ne le fus alors moi-même : l’énigme va bientôt se débrouiller.

Cet accident ne m’empêcha pas de donner tous mes soins à mou ami malade ; je lui reprochai doucement ma perte, en lui disant que, s’il eût accepté mes offres la veille au soir, il m’eût fait grand plaisir, et m’eût empêché d’être volé. Mon ami m’assura que ce petit malheur était irréparable, parce que ce valet, qui avait sûrement pris la route de Cadix, serait parti avec la Hotte avanl qu’on l’eût attrape. J’en écrivis à M. l’ambassadeur, el ne m eu occupai plus.

Les jours suivants se passèrent en soins assidus de ma pari et en témoignages de la plu reconnaissance de celle de Clavijo. Mais le .’i juin, étant venu pour le voir à l’ordinaire au quartier des Invalides, j’appris avec surprise que mon ami avait encore brusquement il

Changer de gîte une seconde fois sans m’en donner avis me parut, je l’avoue, très-extraordinaire. Je le lis chercher dans tous les hôtels garnis de Madrid, et, l’ayant enfin trouvé rue Saint-Louis, je lui témoignai mon étonnement avec un peu moins de douceur que la première fois ; mais 1 ! m’avoua qu’ayant été instruit qu’on avait reprolié à on ami de partager avec an étran r un logement de quartier que le roi no lui donnait que pour lui seul, sans consulter l’embarras, ni

a ni, . ni l’heure indue, il avait cru devoir quitter 

.1 1 instanl l’appartemenl de son ami. il fallut bien approuver sa délicatesse, mais je le grondai