dame Goëzman, pour solliciter en faveur du suppliant le suffrage de son mari, et de la publicité qu’on avait donnée aux moyens pris pour y parvenir.
Le sieur le Jay a été entendu comme témoin. Il a déposé formellement que la déclaration que M. Goëzman avait représentée, et qui était déposée au greffe, n’était point son ouvrage, mais celui de M. Goëzman ; que la minute était écrite de la main de M. Goëzman : que cette minute était restée en la possession de lui, sieur le Jay, pendant plusieurs jours ; que, sur cette minute, son commis en avait fait une copie ; que M. Goëzman, peu de temps avant sa dénonciation, lui avait retiré cette minute ; qu’au surplus, les faits contenus dans la déclaration n’étaient point véritables, en ce que les présents offerts n’avaient eu d’autre but que d’obtenir des audiences, et non de solliciter ni de gagner le suffrage de M. Goëzman.
Le sieur Bertrand Dairolles a déposé aussi, dans les termes les plus exprès, qu’il n’avait été chargé que de demander des audiences.
Madame Goëzman et plusieurs autres témoins ont aussi été entendus.
Sur le rapport fait des informations aux chambres, il est intervenu arrêt qui a décrété le sieur le Lay de prise de corps ; le sieur Bertrand Dairolles et le suppliant, d’ajournement personnel ; et madame Goëzman, d’assignée pour être ouïe.
Les accusés ont été interrogés : le sieur le Jay, après son interrogatoire, a été élargi. Le procès a été ensuite réglé a l’extraordinaire.
Il s’agit, aujourd’hui que l’instruction est faite, de statuer sur le fond de l’accusation.
Toute la question se réduit à un seul point. Les présents offerts à madame Goëzman ont-ils eu pour motif de gagner le suffrage de son mari, ou seulement d’obtenir des audiences qu’il refusait, et que le suppliant regardait comme très-nécessaires et très-importantes ? Au premier cas, le suppliant qui aurait consenti à faire ces présents, et les agents intermédiaires par les mains desquels ils ont été faits, pourraient être regardés comme répréhensibles. Au second cas, il n’y a pas même de corps de délit, parce qu’aucune loi ne défend à un plaideur de voir son juge, et de solliciter des audiences par tous les moyens possibles.
Avant d’entrer dans la discussion des preuves que présente l’instruction, il y a un fait capital à éclaircir. Le suppliant a perpétuellement dit qu’il n’avait consenti aux présents qui ont été exigés pour lui faire obtenir des audiences de M. Goëzman, que parce que ce magistrat les lui avait persévéramment refusées. M. Goëzman dit au contraire, dans le mémoire de sa femme, et dans sa note imprimée, que le 2 avril il donna audience à Me Falconnet, l’un des conseils du suppliant ; et que le lendemain 3 avril, dans la matinée, il en donna une seconde au suppliant en personne. Il ajoute qu’il est faux que le suppliant ait été jusqu’à six fois chez lui les 1er et 2 avril ; et, pour prouver ce fait, il cite la liste de son portier, sur laquelle, dit-il, le nom du suppliant n’est point inscrit ces jours-là.
Le suppliant soutient, au contraire, qu’il a fait, les 1er et 2 avril, les six courses inutiles dont il a parlé dans sa déposition et dans ses mémoires ; qu’il est faux que le 2 avril Me Falconnet ait eu audience de M. Goëzman, et qu’il est également faux que, le 3 au matin, ce magistrat ait donné audience au suppliant. Le fait concernant l’audience prétendue accordée à Me Falconnet est étranger au suppliant ; mais Me Falconnet le dénie formellement ; et ce qui rend très-suspecte l’allégation de M. Goëzman sur cette audience, c’est son infidélité sur celle qu’il dit avoir donnée le lendemain 3, dans la matinée, au suppliant. Il est de notoriété qu’alors le suppliant était au For-l’Évêque pour sa malheureuse affaire avec M. le duc de Chaulnes, et que le ministre ne lui avait permis de sortir pour solliciter son affaire qu’avec un garde qui lui fut donné pour l’accompagner partout où il irait, et le reconduire le soir en prison. Ce garde est le sieur Santerre, dont la probité est connue, et qui a serment en justice. Si le suppliant avait été admis, le 3 avril dans la matinée, à l’audience de M. Goëzman, le sieur Santerre l’y aurait accompagné ; mais le sieur Santerre a déclaré et soutient affirmativement que ni lui ni le suppliant, qu’il ne quittait pas, n’ont point eu, le 3 avril, dans la matinée, d’audience de M. Goëzman. Le fait de l’audience donnée le 3 avril au matin est donc de toute fausseté ; et si M. Goëzman a été capable d’en imposer sur cette audience, comment peut-on l’en croire sur celle qu’il dit avoir accordée la veille à Me Falconnet ? Mendax in uno, mendax in omnibus : ce sont les expressions de la loi.
Quant à la liste du portier, il est bien étonnant qu’on ose présenter à la justice une pièce aussi méprisable. Si le nom du suppliant ne se trouve pas sur cette liste aux jours indiqués par M. Goëzman, c’est que, pour mieux faire connaître à ce magistrat tout l’empressement qu’il avait de le voir, il avait eu soin d’écrire de petits billets qu’il laissait à sa porte, et par lesquels il demandait jour et heure pour une audience. Présumera-t-on d’ailleurs que le suppliant, qui, suivant la liste, avait été trois fois chez M. Goëzman lors des plaidoiries de la cause, et dans le temps qu’il n’était point son rapporteur[1], eût négligé de lui rendre visite après que l’affaire eut été mise à son rapport ? Enfin, ce qui tranche toute difficulté à cet égard, et ce qui renverse les inductions qu’on s’est efforcé de tirer de la liste du portier, c’est la
- ↑ 23, 26 et 27 mars.