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tai d’insérer, dans un mémoire que je fis imprimer, la note dont le commencement se rapporte à la conduite de mon adversaire, connu de tout le monde ; et la fin, que je vais transcrire ici, se rapporte à la lettre que j’avais reçue de la dame d’honneur des princesses.

« Heureusement pour ce dernier (moi), il en a été assez tôt instruit (des propos du comte de la Blache) pour pouvoir réclamer la justice de madame Victoire avant le jugement du procès. Cette généreuse princesse veut bien l’autoriser à publier que tous les discours qu’on lui fait tenir dans l’affaire présente sont absolument faux, et qu’elle n’a jamais rien connu qui fût capable de nuire à sa réputation, pendant tout le temps qu’il a eu l’honneur d’être à son service. »

Eh bien ! M. le comte ; eh bien ! M. Goëzman ; eh bien ! madame, où est l’audace, la témérité, l’imposture dont vous m’accusez publiquement ? L’homme qui ose compromettre les noms les plus sacrés à l’appui de son intérêt et de ses vues iniques, où est-il ? La fin de mon récit va le montrer à toute la France.

À l’instant où cette note paraît, le comte de la Blache, instruit par ma note que j’avais éventé sa mine, court à Versailles ; il y prévient l’arrivée de mon mémoire. Il m’y présente comme ayant fait un usage pernicieux pour lui de la protection que madame Victoire avait daigné, disait-il, m’accorder ; il suppose que l’intérêt que Mesdames sont annoncées par moi prendre à mon affaire est seul capable d’entraîner tous les esprits, et de lui faire perdre son procès. Mesdames, qui ne se persuadent pas qu’on puisse leur en imposer à ce point, justement indignées de l’insolent abus que je suis accusé d’avoir fait d’un simple témoignage, accordé seulement pour m’empêcher de perdre l’honneur, et non pour me faire gagner un procès d’argent, croient faire justice en remettant à mon adversaire un désaveu de mon audacieuse conduite, en ces termes :

« Nous déclarons ne prendre aucun intérêt à M. Caron de Beaumarchais et à son affaire, et ne lui avons pas permis d’insérer dans un mémoire imprimé et public des assurances de notre protection.

« Signé Marie-Adélaïde, Victoire-Louise, Sophie-Philippine-Élisabeth-Justine.

« Versailles, le 16 février 1772. »

Mais avais-je dit que Mesdames prenaient intérêt à mon affaire ? avais-je imprimé que les princesses m’avaient donné des assurances de leur protection à ce sujet ?

Ne m’étais-je pas contenté de dire, parlant de madame Victoire : Cette généreuse princesse veut bien m’autoriser à publier que tous les discours qu’on lui fait tenir dans l’affaire présente sont absolument faux, et qu’elle n'a jamais rien connu qui fût capable de nuire à ma réputation pendant tout le temps que j’ai eu l’honneur d’être à son service ?

Avais-je pu me renfermer plus littéralement, plus respectueusement dans le témoignage que contient la lettre de la dame d’honneur ? « J’ai fait part, monsieur, de votre lettre à madame Victoire, qui m’a assuré qu’elle n’avait jamais dit un mot à personne qui pût nuire à votre réputation, ne sachant rien de vous qui pût la mettre dans ce cas-là. Elle m’a autorisée à vous le mander. »

À l’occasion d’un procès d’argent, on avait voulu me donner pour un homme perdu d’honneur ; ce que les princesses (ajoutait-on) disaient hautement. J’avais sollicité auprès d’elles la plus simple attestation de mon honnêteté. L’instant où je la demandais, la circonstance de mon procès, avait rendu ce témoignage austère de la part de la princesse, Pas un mot dont je pusse abuser pour m’en faire un titre auprès de mes juges. De ma part, scrupuleux transcripteur de ce témoignage austère, je ne m’étais pas permis d’y rien ajouter qui pût annoncer le plus léger abus de la justice rigoureuse qui m’était rendue ; et j’étais si convaincu de mon exactitude à cet égard, que, pour m’en faire un mérite auprès de Mesdames, pendant que mon adversaire allait renverser mon édifice à Versailles par un faux exposé, j’y envoyais de Paris à madame la comtesse de P… le mémoire et la note imprimés, et je lui écrivais la lettre suivante en action de grâces :

« Du 14 février 1772.

« Madame la comtesse,

« Je n’avais nul titre à vos bontés : cette considération augmente infiniment le prix du service que vous m’avez rendu, et celui du procédé obligeant qui l’accompagne.

« J’ai l’honneur de vous faire passer un de mes mémoires, dans lequel j’ai fait l’usage respectueux que madame Victoire a permis, de la justice qu’elle daigne me rendre, et de la lettre dont vous m’avez honoré. Il me reste à vous prier de mettre le comble à vos bienfaits, en assurant la princesse que je suis vivement touché de l’honorable témoignage qu’elle n’a pas refusé à un serviteur zèlé, mais devenu inutile. Il est des moments où la plus simple justice devient une grâce éclatante ; c’est lorsqu’elle arrive au secours de l’honneur outragé. Aussitôt que le jugement de ce procès m’aura permis de respirer, mon premier devoir sera de vous aller assurer de la respectueuse reconnaissance avec laquelle je suis, madame la comtesse, etc. »


Toutes les pièces justificatives du procès sont maintenant connues. En voici les suites :

Mon adversaire, croisant mon envoi, revient de