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TARARE se relève à genoux.

Mais quelle horrible scène !

(Il ôte son masque, qui tombe à terre loin de lui.)

Ah ! respirons.

ATAR revient à l’appartement d’Astasie d’un air menaçant, et dit avec une joie féroce :

Je pense au plaisir que j’aurai,
Superbe, quand je te verrai
Au sort d’un vieux nègre liée,
Et par cent cris humiliée !

(Il imite le chant trivial des esclaves.) Saluons tous la fière Irza, Qui, regrettant une cabane, Aux vœux d’un roi se refusa : D’un vil muet elle est sultane. Hein ! Calpigi ? (Il va, il vient. Calpigi, sous prétexte de lui donner sa simarre, se met toujours entre lui et Tarare, pour qu’il ne le voie pas sans masque.) CALPIGI, effrayé, feint la joie. Ah ! quel plaisir mon maître aura ! ATAR. Hein ! Calpigi ? CALPIGI. Quand le sérail retentira… ATAR ET CALPIGI, en duo. Saluons tous la fière Irza, Qui, regrettant une cabane, Aux vœux d’un roi se refusa : D’un vil muet elle est sultane. (Le même jeu de scène continue. Ils sortent.)

SCÈNE VII

TARARE, seul, levant les mains au ciel. Dieu tout-puissant ! tu ne trompas jamais L’infortuné qui croit à tes bienfaits. (Il remet son masque, et suit de loin l’empereur.)


ACTE QUATRIÈME

Le théâtre représente l’intérieur de l’appartement d’Astasie. C’est un salon superbe, garni de sofas et autres meubles orientaux.

SCÈNE I

ASTASIE, SPINETTE. ASTASIE entre en grand désordre. Spinette, comment fuir de cette horrible enceinte ? SPINETTE. Calmez le désespoir dont votre âme est atteinte. ASTASIE, égarée, les bras élevés. Ô mort, termine mes douleurs ! Le crime se prépare. Arrache au plus grand des malheurs L’épouse de Tarare !

Il semblait que je pressentais Leur entreprise infâme ! Quand il partit, je répétais, Hélas ! l’effroi dans l’âme :

Cruel ! pour qui j’ai tant souffert, C’est trop que ton absence Laisse Astasie en un désert, Sans joie et sans défense !

L’imprudent n’a pas écouté Sa compagne éplorée : Aux mains d’un brigand détesté Des brigands l’ont livrée.

Ô mort, termine mes douleurs ! Le crime se prépare. Arrache au plus grand des malheurs L’épouse de Tarare. (Elle se jette sur un sofa avec désespoir.) SPINETTE. Un grand roi vous invite à faire son bonheur. L’amour met à vos pieds le maître de la terre. Que de beautés ici brigueraient cet honneur ! Loin de s’en alarmer, on peut en être fière.

ASTASIE, pleurant. Ah ! vous n’avez pas eu Tarare pour amant !

SPINETTE. Je ne le connais point, j’aime sa renommée ; Mais pour lui, comme vous, si j’étais enflammée, Avec le dur Atar je feindrais un moment, Et j’instruirais Tarare au moins de ma souffrance.

ASTASIE. À la plus légère espérance Le cœur des malheureux s’ouvre facilement. J’aime ton noble attachement : Eh bien ! fais-lui savoir qu’en cette enceinte horrible…

spinette. Cachez vos pleurs, s’il est possible. Des secrets plaisirs du sultan Je vois le ministre insolent. (Astasie essuie ses yeux, et se remet de son mieux.)

SCÈNE II

CALPIGI, SPINETTE, ASTASIE.

CALPIGI, d’un ton dur.

Belle Irza, l’empereur ordonne
Qu’en ce moment vous receviez la foi
D’un nouvel époux qu’il vous donne.

ASTASIE. Un époux ! un époux à moi ?

SPINETTE le contrefait.

Commandant d’un corps ridicule,
Abrège-nous ton grave préambule.
Ce nouvel époux, quel est-il ?

CALPIGI.

C’est du sérail le muet le plus vil.