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ATAR, en colère. Vil chrétien, obéis, ou la tête en répond. CALPIGI, à pari, el> sen allant. Tyran féroce !

(Les bostangis se retirent.) SCÈNE II ATAR, URSON. ATAR. Avant que ma fête commence, Urson, conte-moi promptement Le détail et l’événement De leur combat à toute outrance.

URSON. Tarare le premier arrive au rendez-vous : Par quelques passes dans la plaine Il met son cheval en haleine, Et vient converser avec nous. Sa contenance est noble et fière. Un long nuage de poussière S’avance du côté du nord ; On croit voir une année entière : C’est l’impétueux Altamort. D’esclaves armés un grand nombre Au galop à peine le suit. Son aspect est farouche et sombre Comme les spectres de la nuit. D’un œil ardent mesurant l’adversaire : Du vaincu décidons le sort. Ma loi, dit Tarare, est la mort. L’un sur l’autre à l’instant fond comme le tonnerre. Altamort pare le premier. Un coup affreux de cimeterre Fait voler au loin son cimier. L’acier étincelle, Le casque est brisé ; Un noir sang ruisselle. Dieux ! je suis blessé. Plus furieux que la tempête, À plomb sur la tête Le coup est rendu : Le bras tendu, Tarare Pare… Et tient en l’air le trépas suspendu.

ATAR. Je vois qu’Altamort est perdu.

URSON. Aveuglé par le sang, il s’agite, il chancelle. Tarare courbé sur la selle, Pique en avant. Son fier coursier, Sentant l’aiguillon qui le perce, S’élance, et du poitrail renverse Et le cheval et le guerrier. Tarare à l’instant saute à terre, Court à l’ennemi terrassé. Chacun frémit, le cœur glacé Du terrible droit de la guerre… Ô d’un noble ennemi saint et sublime effort !

ATAR, en colère. Achève donc.

URSON. Ne crains rien, superbe Altamort ! Entre nous la guerre est finie. Si le droit de donner la mort Est celui d’accorder la vie, Je te la laisse de grand cœur. Pleure longtemps ta perfidie.

ATAR. Sa perfidie ?

URSON. Il s’en éloigne avec douleur. ATAR, furieux. Il est instruit.

URSON. Inutile et vaine faveur ! Celui dont les armes trop sûres Ne firent jamais deux blessures, À peine, hélas ! se retirait, Que son adversaire expirait.

ATAR. Partout il a donc l’avantage ! Ah ! mon cœur en frémit de rage ! Quand, par le combat, Altamort Voulut hier régler leur sort, Urson, je sentais bien d’avance Qu’il allait de sa mort Payer cette imprudence. Sans les clameurs d’un père épouvanté, Le temple était ensanglanté : Mais son pouvoir força le nôtre D’arrêter un crime opportun, Qui m’offrait, dans la mort de l’un, Un prétexte pour perdre l’autre. (Il voit entrer les esclaves.) Tout le sérail ici porte ses pas. Retire-toi : que cette affreuse image. Se dissipant comme un nuage, Fasse place aux plaisirs el ne les trouble pas. (Urson sort.) SCÈNE III ATAR, ASTASIE en habit de sultane, soutenue par des esclaves, son mouchoir sur les yeux ; SP1NETTE, CAL-PIGI, EUNUQUES, ESCLAVES DES DEUX SEXES. ATAR fait asseoir Astasie sur le grand soja près de lui, et dit au chef des eunuques Eh bien ! vont-ils chanter le bonheur de leur maître ? CALPIGI. Dans le léger essai d’une fête champêtre, Ils ont tous le noble désir De montrer l’excès de leur joie.

Atar, avec dédain. Eh ! que m’importe leur plaisir, Pourvu que leur art se déploie !