Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÉLAMIR, accourant.

Mon père !

ARTHENÉE s’assied.

Approchez-vous, mon fils ; un grand jour vous éclaire.
Croyez-vous que Brama vous parle par ma voix,
Et qu’il parle à moi seul ?

ÉLAMIR.

Mon père, oui, je le crois.

ARTHENÉE, sévèrement.

Le ciel choisit par vous un vengeur à l’empire :
Ne dites rien, mon fils, que ce qu’il vous inspire.

(D’un ton caressant.)

Ah ! s’il vous inspirait de nommer Altamort !
L’État serait vainqueur, il vous devrait son sort !

ÉLAMIR, les mains croisées sur sa poitrine.

Je l’en supplierai tant, mon père,
Qu’il me l’inspirera, j’espère.

ARTHENÉE.

Moi je l’espère aussi : priez-le avec transport.

(Élamir se prosterne.)

Ainsi qu’une abeille,
Qu’un beau jour éveille,
De la fleur vermeille
Attire le miel :
Un enfant fidèle,
Quand Brama l’appelle,
S’il prie avec zèle,
Obtient tout du ciel.

(Il relève l’enfant.)

Tout le peuple, mon fils, sous nos voûtes arrive.
Avant de nommer son vengeur,
Vous le ferez rougir de sa vaine terreur.
Il croit les chrétiens sur la rive ;
Assurez-le qu’ils sont bien loin ;
Et du reste, mon fils, Brama prendra le soin.

SCÈNE VIII

Grande marche.

ATAR , ALTAMORT , TARARE, URSON, ARTHENÉE, ÉLAMIR, prêtres, enfants, vizirs, émirs, SUITE, PEUPLE, SOLDATS, ESCLAVES.

(Atar monte sur un trône élevé dans le temple.)

ARTHENÉE, majestueusement.

Prêtres du grand Brama, roi du golfe Persique,
Grands de l’empire, peuple inondant le portique,
La nation, l’armée attend un général.

CHŒUR UNIVERSEL.

Pour nous préserver d’un grand mal,
Que le choix de Brama s’explique !

ARTHENÉE.

Vous promettez tous d’obéir
Au chef que Brama va choisir ?

CHŒUR UNIVERSEL.

Nous le jurons sur cel autel antique.

ARTHENÉE, d’un ton inspiré.

Dieu sublime dans le repos,
Magnifique dans la tempête,
Soit que ton souffle élève aux cieux les flots,
Soit que ton regard les arrête ;
Permets que le nom d’un héros,
Sortant d’une bouche innocente,
Devienne cher à ses rivaux,
Et porte à l’ennemi le trouble et l’épouvante !

(À Élamir.)

Et vous, enfant, par le ciel inspiré,
Nommez, nommez sans crainte un héros préféré.

(On ■1ère Elamir sur des pavois.)

ÉLAMIR, avec enthousiasme.

Peuple que la terreur égare,
Qui vous fait redouter ces sauvages chrétiens ?
L’Etat manque-t-il de soutiens ? [rare...
Comptez, aux pieds du roi, vos défenseurs, Ta-CH
0EUR SURIT DU PEUPLE ET DES SOLDATS.
Tarare ! Tarare ! Tarare !
Ah ! pour nous Brama se déclare :
L’enfant vient de nommer Tarare.
Tarare ! Tarare ! Tarare !

ALTAMORT, en colère.

Arrêtez ce fougueux transport.

ARTHENÉE.

Peuple, c’est une erreur !

(À Élamir.)

Mon fils, que Dieu vous touche !

ÉLAMIR.

Le ciel m’inspirait Altamort ;
Tarare est sorti de ma bouche.

DEUX CORYPHÉES DE SOLDATS.

Par l’enfant Tarare indiqué
N’est point un hasard sans mystère :
Plus son choix est involontaire,
Plus le vœu du ciel est marqué.
Oui, pour nous Brama se déclare :
L’enfant vient de nommer Tarare.

CHŒUR DU PEUPLE ET DES SOLDATS.

Tarare ! Tarare ! Tarare !

(On redescend Élamir.)

ATAR se lève.

Tarare est retenu par un premier serment :
Son grand cœur s’est lié d’avance
À suivre une juste vengeance.

TARARE, la main sur sa poitrine.

Seigneur, je remplirai le double engagement
De la vengeance et du commandement.

(Au peuple.)

Qui veut la gloire
À la victoire
Vole avec moi !

TOUS.

C’est moi, c’est moi !

TARARE.

Sujets, esclaves,
Que les plus braves
Donnent leur foi.

TOUS.

C’est moi, c’est moi !